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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 février [1846], mercredi matin, 11 h. ½

Bonjour mon petit homme chéri, bonjour mon cher amour adoré, bonjour je t’aime. Je suis honteuse mais je t’adore. J’aurais dû te tenir tête à la lecture cette nuit mais le froid, la paresse et surtout le mal de tête ne me l’ont pas permis. Je t’en demande pardon et je reconnais que je suis indigne d’avance. C’est pas vrai et je suis plus à plaindre qu’à blâmer parce que si vous me parliez au lieu de lire comme vous le faites je passerais la nuit à vous écouter sans seulement penser qu’il est possible de dormir. Donc c’est votre faute et je suis bien malheureuse d’avoir un vieux cabinet de lecture comme vous en chair et en os. Baisez-moi, vieux chinois, et parlez-moi et puis vous verrez si je dors.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime et vous ? Je vous attends tout à l’heure aussi je vais me dépêcher pour tâcher d’avoir fait votre eau. Les cris de Cocotte me retardent beaucoup. Je suis tout étourdie et suis tentée de m’enfuir pour ne pas l’étrangler. Quelle absurde pensée j’ai eue le jour où j’ai désiré une cocotte. Si je savais à qui la donner je m’en débarrasserais avec volupté. Vraiment elle m’ennuie et m’agace au dernier point. J’ai la tête trop malade pour pouvoir supporter patiemment les cris continuels de cette petite bête. Dans ce moment-ci je crois que je la mangerais toute vive tant elle m’exaspère. Je me venge sur vous en vous ennuyantª du récit de mes infortunes. Baisez-moi et venez bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 147-148
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « ennuiant ».


11 février [1846], mercredi soir, 6 h. ¼

Mme Triger sort de chez moi, mon amour, c’est ce qui t’explique pourquoi je ne t’ai pas écrit plus tôt mais je pense à toi mon Toto chéri, je pense à tes pauvres petites mains qui doivent être bleues de froid. Je pense à ton pauvre petit ventre si délicat et à qui le froid est si dangereux. Si tu m’en crois tu traverseras le plus vite possible la rivière et tu prendras tout de suite par les rues au lieu de suivre les quais comme tu en as l’habitude. Si j’étais avec toi dans ce moment-ci je te tyranniserais dans l’intérêt de ta santé qui est mon bien et ma vie à moi. Baisez-moi et obéissez-moi, je le veux. J’ai reçu tantôt une lettre de Mme Luthereau. Je t’attends pour l’ouvrir, je t’attends surtout pour te voir, pour te baiser, pour t’aimer, pour m’ôter mon mal de tête et pour te réchauffer et pour t’adorer à deux genoux. J’ai vu ma blanchisseuse aujourd’hui, le gaz, le raccommodageª du bec, les provisions au marcher. Bref je dois à Suzanne 40 F. Je te l’écris pour que tu le saches, mon Victor, parce que cela m’ennuie à dire et que je n’ai d’ailleurs que le temps trop juste de te voir et de t’embrasser. Je t’attends mon cher petit homme, dépêche toi à venir bien vite, je suis très pressée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 149-150
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « racommodage ».

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