Paris, 3 juillet [18]78, mercredi matin, 6 h. ¾
Cher bien-aimé, j’envoie à ton sommeil et à ton rêve mon bonjour le plus tendre et le plus souriant. J’espère que tu as passé une très bonne nuit qui t’encouragera à mettre la dernière main aux préparatifs de notre excursion à Guernesey. J’ai hâte de nous y revoir installés, con amore, comme autrefois, car je suis sûre que tu y retrouveras ta santé pleine et entière [1] avec le bonheur par-dessus le marché. Il faut absolument faire tout ton possible pour partir demain soir jeudi. Tout le monde le désire et Petite Jeanne le veut et moi je le désire et je le veux encore plus que tout le monde et plus que Petite Jeanne. Tu vois qu’il n’y a pas moyen de résister à tant de désirs et de douces volontés. Maintenant que tes précieux manuscrits sont enfermés dans une citadelle de fer gardée par le cher et vaillant Vacquerie, tu n’as plus rien à craindre et le reste se fera à ton retour dans deux mois. Quant à ton emprunt italien et à tes inscriptions de rentes belges, voire même celles de mes trente-cinq actions, je crois que Lesclide les a retrouvés tous dans tes papiers. Et puis l’important n’est pas là. L’important c’est ta chère santé qui est la vie même de la France, plus encore, du monde entier et de moi, pauvre vieille femme qui t’adore.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 173
Transcription de Chantal Brière
[Souchon]