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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 janvier [1848], jeudi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon petit homme, bonjour, mon cher petit homme, comment cela va-t-il ce matin ? Moi je n’ose pas te dire comment et jusqu’à quel point je suis malingre, maussade et podagre [1]. Cependant je ne renonce pas encore à l’espoir de t’accompagner. Il faudrait pour cela que je ne puisse pas remuer ni pied ni patte. J’ai très mal à la tête et un froid de chien ce qui contribue beaucoup à me rendre paresseuse et apathique. Il a fallu un effort inouï tout à l’heure pour me décider à sortir de mon lit. Maintenant que me voilà quasi debout, je n’ai plus qu’à aller et j’espère que j’irai jusqu’à la porte de l’Institut [2].
Je te demande pardon de ma maussaderie de cette nuit mais quand j’ai ma douleur de cœur je ne connais plus rien. C’est une souffrance si aiguë et si étrange que toute contradiction m’est insupportable. Je voudrais dans ce moment-là ne pas parler absorbée que je suis par cette douleur singulière. Ce matin elle est un peu calmée, je n’ai plus que mal à la tête. Je verrais si marcher me la redonne, ma douleur de cœur. En attendant je vais faire mes affaires pour m’échauffer et pour me distraire de cette stupide préoccupation qui me donne l’air d’une malade imaginaire. Je t’aime.

Juliette

MVH, 7843
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux


20 janvier [1848], jeudi midi

J’irai avec toi, mon bien-aimé, sans me soucier des menaces du temps ni de mes douleurs rhumatismales. Tant pis pour elles si elles s’en trouvent mal. Pourvu que mon amour s’en trouve très bien c’est tout ce qu’il me faut. Je me fiche du reste et de bien autre chose. Je me sens capable de tout dans ce moment-ci et pourtant Dieu sait dans quel état j’ai la tête. C’est une vraie rage. Je crois même que je ne finirai pas ma lettre avant ce soir tant je souffre. À ce soir donc, mon adoré, et à toujours le bonheur de t’aimer.

Juliette

7 h. du soir.

Je te finis ma lettre par ici, mon doux adoré. C’est fort bête et je pourrais employer mon temps beaucoup mieux aussi je me dépêche de finir mon gribouillage pour te baiser en chair et en os comme les reliques du grand [t’amadore  ?]. Mon Victor bien aimé tu es beau je t’aime. Tu m’as enseigné un ravissant petit endroit je t’adore. À la bonne heure voilà des vrais LIEUX académiques. Avec ces lieux-là on peut ALLER à la postérité et encore plus loin. Quant à moi je suis très reconnaissante de la chose et je me promets d’en user chaque fois que le CŒUR et l’occasion s’y prêteront. Baise-moi, je t’aime qu’on vous dit.

Juliette

MVH, 7842
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

Notes

[1Qui est atteint de la goutte. (Littré.)

[2L’Institut de France regroupe cinq académies, dont l’Académie française où siège Victor Hugo depuis 1841.

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