Guernesey, 20 août 1878, mardi matin, 5 h. ¼
Toujours le même tendre bonjour, mon grand bien-aimé, et toujours, aussi, hélas ! les mêmes appréhensions et les mêmes espérances. De là les mêmes gribouillis quotidiens, mi-partie chagrins, mi-partie joyeux. Celui-ci ne demande qu’à te sourire et à te bénir de confiance. Accueille-le avec toute la sincérité de ton grand cœur : la vérité, quelle qu’elle soit, vaut mieux dans toutes les situations de la vie que la duplicité et le mensonge. On s’aime d’autant mieux qu’on s’estime davantage. Les fières prosternations de mon âme devant la tienne s’adressenta à l’homme divin que tu es et non à la vulgaire et bestiale idole des amours dépravés et cyniques que tu n’es pas [1]. Ta gloire qui éblouit le monde éclaire aussi ta vie. Ton aube est pure, il faut que ton crépuscule soit vénérable et sacré. Je voudrais, au prix de ce qui me reste à vivre, te préserver de certaines fautes et de certains outrages indignes de la majesté de ton génie et de ton âge. Tu sais cela autant et plus que moi et surtout tu le dirais mieux. Mais ce n’est pas une raison pour me taire, au contraire, et je te supplie à genoux d’avoir pitié de moi qui t’adore.
Collection Claude de Flers (juin 2013)
Transcription de Florence Naugrette
a) « s’adresse ».