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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 juin [1845], lundi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, mon cher petit taquin, bonjour, ma scie, bonjour, vous que j’aime, bonjour, toi que j’adore, bonjour. J’AI SOIF. Voilà ce qui vous coupe la musette et vous avez un habit digne du cordon bleu. Voilà ce qui m’exaspère. Peut-être attendez-vous le retour de quelque enfant prodigue pour mettre au rancarta ce succulent habit ? Ce serait un sacrifice renouveléb de celui du veau gras mais qui n’en serait pas plus maigre dans son plagiat. En attendant, vous saurez que j’ai SOIF, très SOIF, et que vous avez un magnifique habit des mieux PORTANT et des MIEUX PORTÉ.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je ne sais pas combien de temps peut durer votre SCIE, mais je sais que je peux VIVRE indéfiniment sur votre APPÉTISSANT habit. Aussi ne vous gênez pas, allez, sciez tant que vous voudrez, je vous réponds de ronger votre habit jusqu’aux os.
Quel beau temps, mon Victor adoré, quelle joie inespérée ce serait pour moi si tu venais me chercher pour sortir. Hélas ! je peux tout espérer, excepté ce bonheur-là. Quand je pense à cela, je sens que je deviens triste et méchante et pourtant je ne peux pas m’empêcher d’y penser. Mon Victor bien-aimé, je t’aime, tu es ma vie. Aussi je souffre loin de toi. Tâche de venir de bonne heure aujourd’hui pour me donner du courage et de la patience.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 357-358
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « mettre au rancar ».
b) « renouvellé ».


30 juin [1845], lundi après-midi, 9 h. ½

Toto, fais-toi faire un habit neuf. À force de travailler sur celui que tu sais, il finira par s’user. Je t’en supplie, fais-toi faire un habit vivement. En même temps tu feras repasser ta scie [1] qui m’a paru un peu ébréchée tantôt. C’est un conseil bien désintéressé que je te donne là et qui prouve en faveur de ma générosité et de ma naïveté. À boire, à boire, à boire, nous quitterons-nous sans boire, partant pour la scierie, le jeune et beau Toto allait à la pairie. Mais pour calmer la soif qui me dévore je veux boire, je veux boire à ton habit, verse, verse Toto [illis.]a.
Je ne suis pas contente de mon dessin. Je suis difficile, il est vrai et moi seule en ai le droit. Une autre fois je serai mieux inspirée. Aujourd’hui je me trouve au-dessous de moi-même. Cela tient peut-être à ce que j’ai soif ou que je suis gênée dans les entournures de TON habit. Baisez-moi, cher scélérat, et aimez-moi SCIE vous l’osez. Vous saurez ce que c’est que de scier une malheureuse femme. Il en cuira à votre habit. Trempe ton pain, Juju, trempe ton pain, trempe ton pain dans la sauce. SCIE pourtant cela vous désoblige, vous n’avez qu’à le dire. Rien ne pourrait pourtant me déSCIEder à vous désobliger dans votre toilette audaSCIEeuse, auSCIE vous n’avez qu’à parler SCIE vous trouvez que vous en avez assez. As-tu soif Juju ? Comme SCIE comme ça. Veux-tu boire Juju ? Oui SCIE ça ne peut pas tâcher ton habit. Eh ! bien vos yeux sont-ils déSCIEllés sur le mérite de votre SCIEbille. J’attends votre réponse pour continuer.

Juliette

Collection Claude de Flers (juin 2013)
Transcription de Florence Naugrette et Evelyn Blewer


a) Dessin, avec ces paroles prononcées par deux personnages féminins : « Il est par-dessus le mur. — C’est pas ça, c’est paça que, c’est paça que j’ai voulu. » (c’est à dire son dessin) :

« Collection Claude de Flers (juin 2013) »

Notes

[1Dans les lettres de cette période, Juliette Drouet plaisante et fait de nombreux jeux de mots sur le thème de la « scie » (rengaine).

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