Guernesey, 22 juin 1856, dimanche après-midi, 2 h.
Et toujours de la pluie ! ce qui ne m’empêche pas de vous aimer et de vous sourire, mon cher petit homme, et de regarder nos trois maisons avec un œil d’envie et d’inquiétude, car je ne vois pas jusqu’à présent la certitude d’en avoir une malgré le zèle officieux de môsieur QUESNARD. Et d’un autre côté je sens que je renoncerai difficilement à l’espérance de votre cher voisinage [1]. Ces deux alternatives d’ÊTRE OU DE N’ÊTRE PAS, TO BY OR NOT TO BY [2], auprès de vous à tous les instants de ma vie me tiraillent en sens contraire d’une façon assez agaçante et puis, quoi quea vous en disiez, mon cher petit homme, nous n’avons pas trop de temps devant nous pour nous caser d’ici à deux ou trois mois. Maintenant que j’ai épuisé le sujet de la pluie et du déménagement, en juju et en anglais, je vais vous parler de mon amour en bon FRANÇOIS. JE T’AIME, indicatif présent ; JE T’AIMAI, prétérit antérieur ; je t’aimerai, futur ; je dédaigne les imparfaits même les plus subjonctifs, quant au plus que parfait je vous en flanque dans tous les temps et dans tous les lieux, ADVERBES qui pourra. Baisez-moi. Pour un jour de pluie on ne peut pas être moins bête, d’ailleurs si vous voulez que j’aie de l’esprit donnez-moi Zen. En attendant comment va ta chère petite gorge, Pianciani à part ? Tâche de venir m’apporter de ses nouvelles bien vite. En attendant je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 179
Transcription de Chantal Brière
a) « quoique ».