10 juillet [1847], samedi soir, 10 h. ¼
Je n’avais pas eu le temps de t’écrire, mon doux adoré, pourchassée que j’étais par les mille petits tracas du ménage, compliqués d’un bain pris ce matin, de la peignerie à fond et de la visite de Mme Guérard. Mais tu n’y as rien perdu car jamais ma pensée n’a été plus constamment fixée sur toi. Jamais ton doux souvenir n’a été plus présent à ma mémoire que pendant toute cette longue et fastidieuse journée. Ce soir en rentrant j’ai trouvé Louise [1] chez moi qui m’attendait. Je n’ai donc pas pu t’écrire avant qu’elle fût partie. Maintenant je m’en donne à cœur joie en t’attendant et je rattrapea le temps perdu le plus vite que je peux.
J’espère que tu n’oublieras pas ta clef et qu’elle n’aura aucun rat [2] ce soir. Je t’attends déjà avec impatience. Juge de ce que ce sera dans quelques minutes. Pour me faire prendre patience je t’écris sur du beau papier PAIR de France non CORROMPU je l’espère. Tu me bisques mais cela m’est égal ou plutôt j’en suis ravie. Cela t’apprendra à me faire barboterb dans les cloaques les plus immondes de Paris. Vilain sale, vilain dégoûtant, vilain q, u, e, que, ché, o, n, chon. Si j’avais pu te frotter le nez dedans je n’y aurais pas manqué malgré l’enseigne du Centaure et de votre présence d’esprit. C’est que je suis féroce quand on me fait patauger sans nécessité dans les affreux cacas anonymes de la ville de Paris. Tiens justement vous voici. Tant MIEURE [3]. J’en suis bien aise. Je pourrais me fâcher de vous à votre nez et à votre barbe. [4]
MVH, α 7932
Transcription de Nicole Savy
a) « rattrappe ».
b) « barbotter ».