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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 novembre [1838], jeudi après-midi, 1 h. ¾

Bonjour mon petit bien-aimé. Bonjour toi que j’aime de toute mon âme. C’est bien bon de te le dire avec un rayon de soleil et un ciel bleu pour décor, c’est si rare le beau temps. Moins rare que vous cependant, car vous devenez de jour en jour de plus en plus vaporeux et fantastique. C’est au point que je crois toujours que je ne vous ai vu qu’en rêve, ou sous la forme d’un nuage. Il va sans dire mon cher petit bien-aimé que comme vous m’avez promis de me mener à mes affaires aujourd’hui, je n’y compte pas du tout. Ce n’est pas quand vous promettez quelque chose que vous le tenez, aussi je ne me presse pas du tout, si vous venez cela m’étonnera encore plus que le beau temps.
Pauvre bien-aimé adoré, je sais que tu travailles, et je ne t’en veux pas, je soupire seulement avec des gémissements féroces après le jour où tu auras un peu de repos, et moi un peu de bonheur… Donne-moi ta chère petite bouche de loin, que je la baise en désir et tâche de penser à moi avec amour, et de venir le plus vite possible. Papa est bien i.
Comment vont tes beaux yeux mon cher petit homme ? Je les baise de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 168-169
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette


22 novembre [1838], jeudi soir, 8 h. ¼

Mon cher petit bijou d’homme, vous êtes bien charmant d’avoir choisi mon taudis pour demeure pendant que vous écriviez vos notes LOUANGEUSES sur Mlle Atala Beauchêne dite Beaudoin, etc. [1] Cela m’a donné l’occasion d’admirer votre charmant profil, et de baiser vos beaux cheveux chatoyants. Je vous remercie de l’ombre de bonheur que vous m’avez donnée tout à l’heure, et je consens à ce que vous écriviez tous les jours des admirations sur cette demoiselle si vous les fabriquez chez moi, et sous mes yeux. Vous m’avez promis de revenir tout à l’heure, il y a par conséquent beaucoup de chance pour que vous ne reveniez pas du tout. Aussi j’ai bien envie de me déshabiller et d’allumer mon feu, et de me mettre à broyer des pavots, car ma provision touche à sa fin, et j’aurai peut-être affaire au théâtre si le Joly persiste dans son idée biscornue de faire répéter pendant huit jours une pièce qu’on jouera dans quatre mois [2]. Tout cela, dis-je, fait que je devrais mettre à profit le temps que j’ai à moi pour vous préparer d’avance votre petit remède quotidien.
Je t’aime, mon Victor, je t’adore, mon Toto chéri.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 170-171
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Il s’agit de la note de post-face dédiée aux acteurs de Ruy Blas. La pièce paraît chez Delloye le 27 novembre.

[2On ne sait de quelle pièce il s’agit.

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