30 octobre [1838], mardi midi
Mon cher petit homme bien aimé, vous êtes bien bon et bien charmant quand vous me voyez. C’est dommage que vous me voyiez si peu, et que vous m’oubliieza aussitôt les talons tournés. Aussi, pour vous punir, je ne vous écrirai pas deux lettres, d’abord, à cause de vos chers petits yeux, ensuite parce que ça ne serait pas juste de récompenser l’indifférence et la froideur, comme on le fait de l’amour et de l’empressement. Je vous prie de ne pas prendre l’expression ci-dessus, de vos chers petits yeux, pour un compliment granicoche et cassagnien [1], c’est au contraire un diminutif ravissant et [illis.], vos chers petits yeux, ça veut dire : mes beaux yeux adorés, les miroirs de mon âme, les étoiles de mon ciel, tout ce qu’il y a de plus beau, de plus ravissant, de plus doux, de plus grand, et de plus transi.
Je vous aime mon Toto, je baise vos belles lèvres roses, vos dents si blanches, votre main si petite et vos pieds d’alouetteb. Je ne vous écris que votre petit compte quotidien parce que vos beaux yeux sont malades, que vous n’avez pas de temps à perdre et que je désire ne pas vous fatiguer ni vous ennuyerc., mais bien de me faire aimer.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16336, f. 104-105
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette
a) « que vous me voyez et que vous m’oubliez ».
b) « allouettes ».
c) « ennuier ».