Guernesey, 31 mai 1857, dimanche après-midi 3 h ½
C’était une offre bien tentante que celle que tu m’as faite tout à l’heure, mon bien-aimé, d’aller te retrouver à Fermain-Bay, mais le guignon veut que je ne puisse pas me tenir sur mes affreuses pattes. Je sais ce que j’ai souffert hier et ce qu’il m’a fallu de courage et de contorsions pour revenir de chez les Préveraud. Aujourd’hui le désir de prolonger le bonheur d’être avec toi m’aurait fait risquer le même martyre si ça n’avait pas été grand jour et sous les yeux des iroquois guernesiais. Ce soir si le cœur te dit de me traîner avec toi avec ma podagrerie [1] carabinée, je serai à tes ordres. D’ici-là, je me frictionne à tour de bras et je m’inonde les pieds d’eau de Cologne.
Justement Cahaigne est venu me voir pendant que je faisais cette opération et je lui ai fait dire par Suzanne que j’étais sortie. Vous seriez bien gentil de venir voir si c’est vrai, ne fût-cea que pour me donner l’occasion d’embrasser votre cher petit museau.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 96
Transcription d’André Maget assisté de Florence Naugrette
a) « fusse ».