Guernesey, 2 avril 1857, jeudi après-midi, 4 h.
Tu es dans ton coup de feu de salle à manger [1], mon cher petit homme, ce n’est donc pas le moment de t’occuper de moi ni en chair ni en restitus. Aussi ce que je t’en gribouille n’est-il que pour ma satisfaction personnelle et non pour T’EMBÊTER de ma prose et de mon amour. Il paraît que le pauvre docteur Terrier est très souffrant et qu’il ne se lève pas depuis deux jours à ce que m’a dit la servante de Préveraud en m’apportant un pied d’estragon tout à l’heure. S’il ne fait pas trop mauvais temps demain j’irai savoir de ses nouvelles. Ce sera la mode retournée, les malades visitant leur médecin. Du reste je me défends avec plus de courage que de succès contre l’envahissement progressif de la podagrerie [2] et je t’assure que ça n’est rien moins qu’amusant. Je n’ai pas vu Mlle Allix encore mais cela ne m’étonne pas par ce temps maussade et crotté ; cela ne m’étonnerait pas davantage par un beau soleil car rien n’oblige cette pauvre demoiselle à des corvées vis-à-vis de moi. C’est bien assez et même beaucoup trop que je te les imposea à toi sous prétextes de mon éternel et sempiternel amour.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 57
Transcription de Christine Routier-Lecarpentier assistée de Chantal Brière
a) « imposes ».