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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 août 1838

4 août, samedi matin, 10 h. ½

Bonjour mon petit adoré, bonjour mon petit homme, comment vas-tu, mon cher bien-aimé ? Qui aimes-tu, mon adoré ? À qui penses-tu et qui plains-tu dans ce moment-ci ? J’ai toujours la fièvre pour n’en pas perdre l’habitude, j’ai passé une assez mauvaise nuit, en somme je suis très malingre ce matin.
J’aurais besoin de vous, mon amour, pour me raccommodera. Quand vous n’y êtes pas, je m’en vais en lambeaux. Comment se portentb tous mes amis, Don César, Ruy Blas, Don Guritan, Casilda et la reine Marie [1] ? Je m’intéresse plus à leur santé qu’à la mienne. Je voudrais les savoir heureux, ayant beaucoup d’enfants et autre car alors j’aurais quelque espoir de voir arriver le voyage tant promis et tant désiré. J’en ai bien besoin pour me relever l’âme car jamais, je crois, je n’ai été plus réellement démoralisée et pourtant jamais je ne t’ai plus aimé, cela tient même à ce que je t’aime trop. C’est bien vrai mon adoré, je t’aime exclusivement sans partage et sans distraction. Aussi quand je ne te vois pas, je suis comme quelqu’un à qui l’air, la lumière, le pain et l’eau manqueraient, mon corps et mon âme souffrentb. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 133-134
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain.

a) « racommoder ».
b) « porte ».
b) « souffre ».


4 août [1838], samedi soir, 5 h. ½

Je me suis habillée d’avance, mon amour, croyant que tu viendrais me chercher pour me mener chez la mère Pierceau mais j’ai bien l’air d’en être pour mes frais de précaution et de toilette. J’ai travaillé comme une dératée après mon [mantelet ?] jusqu’à présent, le voilà encore une fois bien raccommodéa. J’ai toujours la fièvre et mal à la gorge, décidément j’en suis pour ce que j’en ai dit, j’ai une phtisie du larynx, si ce n’est pas comme ça que ça s’écrit dites-le moi, je me corrigerai.
Au train dont tu vas, j’espère mon adoré entendre bientôt mon quatrième acte [2] ? Je ne l’aurai pas volé car je contribue de ma vie, de ma santé et de mon bonheur dans cette admirable pièce. Je suis sûre, si on pouvait voir dans moi, que chacune de tes pièces ou de tes livres m’abrègeb la vie d’un an, c’est peu à la fois mais comme cela arrive souvent ça ne laisse pas que de me faire mourir beaucoup trop tôt. Au reste c’est peut-être un bien, de cette façon je n’aurai pas le temps de vieillir et de t’ennuyerc, à ce point de vue c’est assez agréable. Je vous aime Toto, tout mon bavardage ne veut pas dire autre chose. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 135-136
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « racommodé »
b) « abrègent ».
c) « ennuier ». 

Notes

[1Le 1er août, Hugo a lu les premiers actes de Ruy Blas à Juliette.

[2Hugo achèvera l’acte IV le 7 août.

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