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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 juillet [1838], samedi matin, 10 h. ½

Bonjour mon bon petit homme, bonjour mon petit chéri, je t’aime mon Toto. Je pense à toi, je rêve de toi, j’aime Toi. Je soupire après mes trois actes autant qu’après toi, ça n’est pas peu dire. J’espère, mon petit homme, que, dans l’entracte du 3e au 4e acte, vous voudrez bien me donner une petite chance pendant qu’on posera la décoration car enfin c’est très gentil et très doux de vous donner à souper mais encore faut-il trinquer ensemble [1]. Cela nous arrive si souvent à présent que c’est à peine si je m’en souviens. J’ai entendu le canon ce matin de très bonne heure, est-ce pour la fête ou pour la duchesse ? Voici une lettre qu’on m’apporte et que je crois être de mon pauvre père [2]. Je crains qu’il ne soit plus malade. Tu devrais bien venir tout de suite, mon bon ange, pour me tirer d’inquiétude et pour me laisser prendre de bons gros baisers sur toute ta personne adorée. Je vous dis que vous n’avez pas de maladie de vessie. Je le sais bien peut-être puisque c’est moi qui l’ai faite. Je vous défends d’avoir de ces bêtes d’idées-là et je vous ordonne de m’aimer tout de suite. Je vous adore bien moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 107-108
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain


28 juillet 1838, samedi soir, 9 h. ½

Vous êtes donc toujours dans votre troisième acte, mon amour, que vous ne venez pas me voir un tout petit brin ? Je suis bête et triste quand je ne te vois pas. J’ai l’air d’une âme damnée. Je tourne, je cherche, je va, je viens, j’écoute, je regarde tout cela sans autre but que ta pensée, sans d’autre désir que de te voir. Je suis bien absurde de t’aimer autant mais ce n’est pas ma faute. J’espérais que tu aurais peut-être pu nous mener chez la mère Pierceau aujourd’hui, à cause de Claire. C’eût été de l’à-propos mais puisque tu ne l’as pas pu c’est un très petit malheur dont elle et moi sommes déjà consolées.
J’ai envoyé vos ciseaux à repasser, vieux coquet. Vous faites le mirliflor et le beau à présent, ce qui ne me va pas à moi qui suis si simple et si négligée. Je crains que vous n’ayez l’intention de plaire à quelque madame et cela me tourmente. J’ai déjà bien assez de sujet de jalousie sans celui-là. Je vous aime, mon Toto. Si vous le savez, tant mieux pour moi parce que cela vous inspirera un peu de pitié pour la pauvre Juju qui vous attend, qui vous désire et qui vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 109-110
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

Notes

[1Hugo a terminé l’acte I de Ruy Blas le 14 juillet et l’acte II le 22 juillet. Il a commencé l’acte III le 23 et le finira le 31.

[2Juliette désigne ainsi son cher oncle René-Henri Drouet.

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