Guernesey, 5 janvier 1857, lundi après-midi, 3 h.
Les jours sont si courts et mon amour est si long qu’il m’est bien difficile de nouer les deux bouts de la restitus bien régulièrement autour du cadran solaire de mon âme. C’est bête comme tout ce que je vous dis là [1] quoique ce soit la vérité et parce que c’est la vérité, ce qui ne vous empêchera pas d’avoir l’air de me trouver très spirituelle pour exiger des restitus sans rime ni raison. Cependant vous savez, mon cher petit homme, que j’ai une COMMANDE qui presse et que je n’ai pas trop de tout mon temps pour en venir à bout. J’ai à cœur de terminer bien vite la copie du jeune Toto [2] pour l’engager à me donner sa pratique entièrement et sans partage. Pour cela il faut que je me dépêche de finir ce premier TRAVAIL et tâcher d’arriver avant le départ de Vacquerie [3]. Aussi je mets les baisers doubles et je prends mon cœur à mon cou [pour vous aimer ?] d’un seul trait de plume d’un bout à l’autre de mon âme. Maintenant c’est à vous à tirer pied ou aile de cet infâme gribouillis qui n’est même pas assez bête pour être drôle. Ça vous apprendra à vouloir des restitus hors de saison et des fleurs de printemps à [illis.] d’hiver.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 3
Transcription de Chantal Brière