Paris, 29 avril [18]77, dimanche matin
Il est impossible, mon cher bien-aimé, de ne pas ressentir très vivement le malheur qui arrive à cette sympathique, excellente et charmante famille Richard Lesclide [1] et quoique ce tribut de regrets ne doive soulager en rien la douleur de ces pauvres amis si soudainement frappés, j’éprouve le besoin de prendre ma part de leur deuil. C’est, pour mon cœur, comme une sorte de péage du bonheur que Dieu m’accorde dans ta santé et dans ton amour. Puisse cette contribution au chagrin d’autrui me dispenser jusqu’à la fin de ma vie d’un malheur que je redoute plus que la mort. Je te dis mal tout cela, grand bien-aimé, mais je compte comme toujours sur l’habitude que tu as de mes informes gribouillis qui te fait trouver tous les bons sentiments de mon cœur au milieu de mon ignorance.
J’ai un peu mal à la tête aujourd’hui, mais ne t’en occupe pas, ce ne sera rien. Demain peut-être nous serons en pleine possession de nos chers petits bien-aimés, ou au plus tard après-demain. Bénissons Dieu et prions-le de nous conserver l’un à l’autre jusqu’au dernier de notre jour [2].
BnF, Mss, NAF 16398, f. 117
Transcription de Guy Rosa