Paris, 19 janvier [18]77, vendredi soir, 6 h.
Cher bien-aimé, je tourne autour de ma restitus depuis une heure sans oser y toucher tant je crains de l’embobiner dans ma maussaderie invincible. Cependant Dieu sait si je t’aime et si je suis heureuse de te voir heureux, bien portant, en plein air et en pleine liberté. Et pourtant il me semble que je ne suis pas en pleine possession de mon bonheur. Je suis triste, inquiète, comme si j’avais des raisons pour cela. C’est trop bête, probablement, mais si ça n’était pas bête ?... Qu’est-ce que cela serait ? Le plus terrible des malheurs et le plus immérité. Qui donc m’éclairera ? qui donc me rassurera ? qui donc me désespérera ? Je le demande à tout et à tous et à Dieu mais jusqu’à présent rien, ni personne ni Dieu lui-même ne répond et c’est pourquoi je suis triste, malheureuse, et que je t’aime plus que jamais.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 20
Transcription de Guy Rosa