Jersey, 27 novembre 1854, lundi soir, 5 h.
À mon tour, mon cher pauvre adoré, d’avoir un affreux mal de tête compliqué de cocotte et de mal d’oreille. Cependant je suis allée à la ville nonobstant toutes ces infirmités et j’y ai fait emplette du fameux pardessus de 10 F 10 s. Chemin faisant je suis montée chez les Guay, je n’y ai trouvé que les deux femmes qui n’ont pas su me dire de combien étaient les souliers et les caoutchoucsa de ton fils Victor [1] mais je leur ai acheté pour quelques schellingsb de poires car le citoyen Durand m’avait fait dire ce matin que ces pauvres gens, s’apercevant, un peu tard, que leur spéculation n’avait pas le sens commun et que leurs fruits mûrissaient plus vite qu’ils ne s’y attendaient, ils ne demandaient qu’à les vendre au plus vite et à prix coûtant. Tu verras de ton côté si tu peux leur rendre service en leur en achetant quelques-unes. La fameuse caisse est arrivée aujourd’hui apportant tes deux médaillons en bronze et mes deux bustes [2]. Je les enverrai aux Asplet dès que tu m’auras dit de quelle manière. Tout cela, mon pauvre grand bien-aimé, ne mérite pas d’être dit, ni chanté, ni écrit, mais cela tient de la place et remplace les idées que je n’ai pas, mon amour qui remplit ma vie tient dans deux mots : je t’aime. Te voilà, quel bonheur !
Mardi soir, [4 ?]h.
Il ne sera pas dit que je n’aurai pas rempli ce pauvre petit Restitus jusqu’au bord dussé-jec y fourrer jusqu’à ma dernière stupidité et le rembourrer de tous mes baisers.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16375, f. 404-405
Transcription de Chantal Brière
a) « caoutchouc ».
b) « chelings ».
c) « dussai-je ».