14 novembre [1846], samedi soir, 6 h. ¼
Quel bonheur, mon bien-aimé, je vais dîner avec toi ! C’est une joie à laquelle je ne m’attendais pas aujourd’hui. Ô merci, mon doux bien-aimé, merci d’avoir pensé à me donner en bonheur les arias [1] de ta maison. Je voudrais qu’il y en eût encore demain et que tu me fasses la même bonne grâce. Il est vrai que je souhaiterais que ce fût tous les jours fête, ce qui ne se peut pas tout bonnement, à moins d’avoir tes 500.000 F. Si jamais je les avais, hum !!! Comme je vous achèterais, comme je vous paierais, comme je serais lâche et comme vous vous laisseriez faire moelleusement. D’y penser cela m’en fait l’eau à la bouche. Je voudrais déjà y être. La seule chose qui m’inquiète dans tout cela c’est que le projet n’ait pas lieu ! Oh ! ce serait affreux car je ne compte que là-dessus pour m’enrichir. Mais je proteste, on n’a pas le droit de me dépouiller impunément et sans la moindre indemnité. Ça ne serait pas juste et je ne m’y prêterai pas très sérieusement. J’ai une peur de chien qu’on ne fasse pas la loterie, ce serait fort bête à ce M. de la Rochejaqueleina [2] d’être venu me mettre martel en tête à ce sujet pour rien. Je crois que je ne lui pardonnerais jamais si cela était. En attendant, je me berce du doux espoir des 25.000 F. de rentes et je me prépare à en jouir dignement à commencer par ce soir. Baise-moi et ne te fais pas trop attendre pour commencer car je suis très pressée de jouir de l’effet de mon bonheur présent et futur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16364, f. 249-250
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « Larochejacquelin ».