18 novembre [1846], mercredi après-midi, 2 h. ½
Tu continues de ne pas venir, mon Toto, et moi je persiste à t’attendre, à t’espérer et à te désirer. Nous verrons lequel de nous deux cèdera à l’autre. Hélas ! je ne demande pas mieux que de vous céder dans cette occasion et malgré l’entêtement proverbial de ma nation [1], puisque ce serait une preuve que vous seriez auprès de moi. En attendant je vous attends, ce qui n’est rien moins qu’amusant.
Je m’étais bien dépêchée de faire mes affaires dans l’espoir que vous viendriez de bonne heure. Ah ben ouiche vous avez bien d’autre Salvandy à fouetter, ma foi. Aussi pour me venger je vais écrire à la mère Luthereau [2], aux Bretons [3] et à Mme Lanvin car je voudrais savoir si M. Triger est enfin payé. Je trouve que nous nous endormons un peu trop sur cette triste affaire et qu’il est à craindre que M. Pradier ne paye pas, selon son hideux et ignoble système [4]. Dès que j’aurai fait mon gribouillis amoureux, je ferai ces trois lettres. Il est probable que, malgré le mauvais temps, Eugénie viendra chercher sa loge pour demain. Quant à moi je n’ose pas me permettre cette douce [mot manquant] car j’ai un côté de mon pauvre cœur qui est en deuil et qui souffre malgré que j’en aie. J’attendrai pour me donner le bonheur d’entendre tes admirables vers que je sois un peu plus forte et plus résignée [5]. D’ici là, je te supplie de me donner le plus possible la sainte joie de te voir et de t’entendre. Tu ne sais pas ce qu’un sourire, ce qu’un mot de toi mettent de baumea et de courage dans mon cœur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16364, f. 255-256
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « beaume ».