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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 février [1838], mardi après-midi, 1 h.

Bonjour mon Toto chéri. Vous êtes à la répétition, mon adoré et moi je vous aime. Je vous aime, mon Toto, je t’aime. Mme Lanvin n’est pas venuea, Mme Guérard m’a envoyé ce matin, pendant que je dormais, un petit brimborionb roussi que tu pourras donner à Dédé si le cœur t’en dit. Je suis très vexée d’être forcée de faire les honneurs de ma loge au père Pasquier la prochaine fois qu’on donnera Hernani. Et moi ?c J’aurai donc un nez de carton ? Ça n’est pas très drôle. Il me semble, Toto, que si vous ne prenez que cette loge-là, vous pouvez très bien me conserver ma toute petite ? Je n’ai que ce plaisir-là depuis longtemps, vous le savez bien ? Il ne faut donc pas me l’ôter. Je serai si gentille de soir qu’il faudra bien que vous me fassiez grâce, et tu le feras, n’est-ce pas, mon Toto adoré ? J’ai un grandissime mal de tête. Je crois que c’est ma vertu qui demande à sortir. C’est à vous, qui avez la clef, à lui ouvrir la porte. Jour onjour. Je vous aime. Je voudrais baiser vos petites pattes. Il y a bien longtemps, bien longtemps que je ne les ai vues. Je ne sais pas si je les reconnaîtrais. Jour Toto. Jour mon petit o.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 91-92
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « venu ».
b) « brinborion ».
c) Après ces mots, Juliette Drouet tire un trait.


20 février [1838], mardi soir, 7 h.

Mon cher petit homme, il me semble que vous prolongez vos répétitions plus que de raison et cela me tourmente. Une fois par hasard encore, passe, mais tous les jours c’est trop. Et je ne m’explique pas le pourquoi. Mme Lanvin n’est pas venue. Il paraît que M. Pradier continue son petit système, c’est d’autant plus agréable que je ne pourrai pas avoir ma robe pour Marion [1], quoique j’en aie absolument besoin si je ne veux pas passer pour la plus sale et la plus déguenillée des créatures. Je suis de fort mauvaise humeur ce soir. Je vois bien que l’amour et l’amour et toujours l’amour ne mène pas à grand-chose, si ce n’est au bonheur à reculons car pour moi j’avance peu dans ce chemin-là. Il est vrai que je te vois à peu près un quart d’heure par jour en deux fois. C’est une bonne compensation et puis tu passes toutes tes nuits à travailler pour me donner du pain et de la viande, ce qui fait bien dans une liaison d’amour. Hélas !!!!... a J’ai tort de me plaindre mais je ne peux pas m’en empêcher. Je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 93-34
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) Les quatre points d’exclamation suivis des points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Marion de Lorme est reprise à la Comédie-Française les 8, 10, 12, 15, 17 et 20 mars. Dans une lettre qu’il lui adresse le 16 février (publiée par Douglas Siler, t. II, p. 157), Pradier promet de payer bientôt la pension de Claire. « Son petit système » désigne la manie de Pradier de procrastiner l’accomplissement de ses promesses.

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