Paris, 24 avril 1880, samedi matin, 8 h.
Rebonjour, mon doux, mon ineffable, mon sublime bien-aimé. Je t’ai déjà baisé des yeux, de la bouche, du cœur, et de l’âme avant de sortir de ta chambre. J’espère que tu as passé une bonne nuit, mais je n’ai pas voulu interrompre ton sommeil pour te le demander. J’espère que tout est selon mon désir ardant. En attendant, je te promets une belle journée au ciel et une non moins belle dans mon âme. Sois béni ! Je viens de m’apercevoir que nous serions treize à table ce soir si je n’appelais pas le 14e Lesclide pour conjurer le mauvais sort [1]. La lettre de Barbou est déjà arrivée. Si tu pouvais lui accorder la faveur qu’il te demande tout de suite, je crois que, outre l’honneur qu’il en recevrait, cela lui rendrait un véritable service dont il serait bien éternellement reconnaissant [2]. Je n’ai pas pu envoyer Virginie porter les 30 F. que je n’avais pas. Tu sais que j’avais déjà demandé à Rosalie les 20 F. que tu as donné à tes chers petits pour leur fête solidaire. D’autre part, je suis à sec de toile, heureusement que c’est aujourd’hui le jour à argent. Et plus heureusement encore que nous nous aimons à cœur-que-veux-tu ?
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 109
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin