Paris, 6 juillet [1880], mardi matin, 7 h.
Cher bien-aimé, il m’a paru que, malgré ton accident d’hier soir, ta nuit n’en a pas été moins bonne ? J’espère ne pas m’être trompée dans les remarques que j’ai pu faire chaque fois que je m’éveillais. J’espère aussi, mon pauvre trop aimé, que cette chute te servira de leçon et que tu ne courrasa plus dans l’obscurité à travers les escaliers. Mon expérience aurait dû te préserver à jamais de ce genre d’imprudence. Plus heureux que sages, toi et moi, en sommes quittes à peu de frais mais ce n’est pas une raison pour les recommencer. Mme Lockroy, inquiète, sans te le montrer, est venue à pas de loup au moment où je rentrais me coucher pour savoir si la contusion de ton genou était grave et si tu ne te sentais pas troublé. Je l’ai rassurée en lui disant, ce qui est vrai, heureusement, que tu étais aussi allègre qu’avant ton accident. J’espère que je ne me suis pas ou, plutôt, que tu ne m’as pas trompée par un excès de bonté comme c’est ton habitude. En attendant que je m’en assure à nouveau je baise ton pauvre genoub, je te souris, je te bénis et je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 180
Transcription d’Emma Antraygues et Claire Josselin
a) « coureras ».
b) « genoux ».