Paris 17 juin [1880], jeudi, midi
Iras-tu au Sénat ? That is the question ? Si tu n’y vas pas voudras-tu, comme promenade, me mener chez Mme Ernest Lefèvre à laquelle je dois au moins rendre la visite quelle nous a faitea à toi et à moi hier et donc j’ai si mal profité [1]. Et si aucune de ces deux propositions ne t’agréeb, veux-tu que nous allions à Saint Mandé tantôt après le déjeuner [2] ? Ce pieux pèlerinage s’accorde tout à fait, hélas ! avec la disposition de corps, de cœur et d’esprit où je suis aujourd’hui. Il me semble que j’en reviendrai apaiséec et résignée si non guérie tout à fait ce que je n’espère plus qu’au ciel.
Vendredi matin, 6 heures et demie
Comme je l’avais pressentid en t’écrivant hier, mon cher bien-aimé, la visite triste et douce faite à la tombe de ma chère Claire m’a fait du bien car rien n’en parle mieux à l’âme des vivants désespérés que l’âme des morts radieux parlant au nom de Dieu qu’ils connaissent. Aussi suis-je aujourd’hui calme et sereine devant les dernières épreuves de mes derniers jours et c’est avec confiance et avec douceur que je te souris ce matin et que je te bénis. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, voilà ma force ma confiance et mon espérance plus que par delà la vie.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 164
Transcription d’Emma Antraygues et Claire Josselin
a) « faites ».
b) « t’agréent ».
c) « appaisée ».
d) « pressentie ».