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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 juillet [1849], mercredi matin, 7 h.

Bonjour, mon petit homme, bonjour. Je suis encore très mouzon ce matin et je sens qu’il me faudrait très peu de choses pour être tout à fait très méchante. Cependant, je pense à toi, si bon, si doux, si obligeant, si aimable, si patient et si charmant et je tâche de prendre modèle sur toi, mais cela ne me réussit guère, en général, et aujourd’hui encore moins. J’ai passé une nuit atroce et ce n’est pas la première car voilà plusieurs nuits que je ne dors pas une heure de suite d’un bon et véritable sommeil. Cela tient à des maux d’estomac et à des douleurs d’entrailles qui me tourmentent beaucoup. Tout cela encore contribue à me rendre le caractère plus désagréable et plus irritable quoi que je fasse, tous mes efforts pour me contenir et pour me corriger. Il est vrai aussi, pour être juste, d’ajouter qu’il y a peu de femmes dans une position aussi isolée et aussi dénuée de bonheur que je le suis. Je n’en accuse personne, pas même le bon Dieu, mais je sens bien que cela contribue pour beaucoup à me rendre très grognon et très désagréable. Cher adoré, je me justifie comme je peux mais le fait est que je t’aime d’une manière insupportable pour toi et pour moi puisque rien ne m’intéresse et ne me plaît hors toi.

Juliette

MVHP, Ms, a8255
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux


25 juillet [1849], mercredi matin, 11 h.

Quellea tempête, mon cher petit Toto, on se croirait au mois de novembre sur les côtes de la Bretagne. Mes persiennes, mes fenêtres se disloquent à battre de tous les côtés, on croirait que le vent va emporter cette masure de boue et de crachats. Du reste, cela ne me déplaît pas. Il me semble que je suis encore au bord de mes grèves et que je me venge de la plaisanterie cruelle de la vieille médecine Legros [1]. Mais ce qui me plairait plus que ces souvenirs lointains, ce serait une bonne petite excursion avec toi à travers vents et marais et quelque part que ce soit. Au lieu de cela, je n’ai pour toute perspective que le plaisir très négatif de te conduire à l’assemblée et de te quitter à la porte comme une pauvre Juju galeuse. Cependant, j’aime mieux ce moment de bonheur quelque écourté qu’il soit, que pas du tout de bonheur. Je l’attends même avec une grande et bien vive impatience. Je suis déjà toute prête, ainsi tu vois que je ne suis pas en retard. Quant au gribouillis pour la mère Sauvageot, il est tout près. Si tu avais pu l’attendre quelques minutes hier au soir, tu l’aurais emporté tout de suite. Hélas ! Pourquoi ne peux-tu pas me fourrer dans ta poche à la place. Je m’y ennuierais moins qu’ici et j’y serais plus à mon aise.

Juliette

MVHP, Ms, a8256
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « Quel ».

Notes

[1À élucider.

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