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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 juillet [1849], mercredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit dormeur, bonjour, mon sublime paresseux, bonjour. Je vous ai déjà envoyé des millions de baisers ce matin à travers vos persiennes hermétiquement fermées. Autrefois, vous teniez vos jalousies ouvertes et j’en profitais ; maintenant votre corps et votre cœur sont enfermés dans une carapace d’indifférence que l’amour le plus effilé et le plus aigu ne peut entamer. Tout ceci est à propos de mes allées et venues sous vos croisées en allant prendre mon bain ce matin, ce qui ne m’empêche pas de vous adorer à bride abattue et de vous admirer idem. Cher adoré, mon bien-aimé, comment vas-tu ? Je t’aime, je voudrais te faire un édredon de caresses pour que tu y reposes plus doucement. J’ai le cœur et l’âme si pleins de toi qu’ils débordent de tout mon être à la fois et, comme la vigne qui pleure sa sève, je pleure mon amour par mes yeux et par mes lèvres sans pouvoir le retenir. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime. J’ai lu ce matin un journal modéré, comme on appelle La Patrie [1] dans l’établissement des bains [2]. Malgré son désir et son devoir de t’admirer modérémenta, il n’a pas osé t’attaquer et l’éloge est sorti de sa plume modérée malgré lui et assez pour faire comprendre à ses lecteurs que tu es le plus grand, le plus généreux et le plus éloquent des orateurs.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 195-196
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « modérémment ».


11 juillet [1849], mercredi matin, 10 h.

Je serai prête, mon Toto, mais je doute fort que vous le soyez aussi militairement que moi. Cependant, pour ne pas me trouver en défaut vis-à-vis de moi-même, je me dépêche de vous grifouiller mon second margouillis de tendresses afin d’en avoir la conscience moins chargée. Quand je n’ai pas satisfait cette douce habitude, je suis tourmentée toute la journée comme si j’avais négligé un devoir sérieux. C’est pour cela que je me sépare le moins possible de cette manie de vous gribouiller tous les jours deux feuilles de choux, pommés de bêtises autant que d’amour, avant de sortir ; afin que s’il m’arrivait d’être tuée en route, vous ne puissiez pas faire un bénéfice sur votre première journée de veuvage. On n’est pas plus prévoyante que cette vieille Juju-là. Il est vrai que cela ne vous empêchera pas de trouver l’adresse de Mme  Morel, même de mon vivant, mais prenez garde à votre vie à vous-même avant d’en faire un si coupable usage. C’est un conseil de Juju que je vous donne là et qui vaut peut-être mieux que les jambes de cette susdite dame à quelque hauteur que vous les mettiez. Taisez-vous vilain sale et tâchez de m’aimer un peu plus fort que ça et tout de suite encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 197-198
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

Notes

[1Journal fondé par Louis Conaillac en 1847.

[2Juliette Drouet se rend-elle aux Bains Lambert comme durant l’année 1850 ?

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