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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 août 1842

7 août [1842], dimanche matin, 10 h.

Bonjour mon petit homme bien aimé. Bonjour mon adoré, comment vas-tu ce matin, mon amour ? Je ne te demande plus pourquoi tu ne viens pas, mon Toto, parce que je sais que cela ne sert à rien et que si tu ne viens pas ce n’est pas faute d’être attendu, d’être désiré et d’être aimé de toute mon âme, mais parce que tu as des raisons qui s’y opposent. Je voudrais savoir comment tu vas, mon amour, comment vont tes mains et ta gorge et comment se trouve ton petit garçon ce matin [1]. Si je savais cela je serais tranquille et j’attendrais avec plus de résignation que tu viennesa mais l’inquiétude est une vilaine compagnie de l’absence, aussi, si tu peux, viens me donner de tes nouvelles, mon cher adoré, avant tantôt, tu me feras une grande joie et tu me tranquilliseras pour le reste de la journée. Tâche aussi de penser à m’apporter tes beaux cheveux. Quand nous serons [illis.] je m’en ferai faire faire un petit ornement de cou et de bras et le reste je le garderai dans un joli petit sachet parfumé. En attendant je suis impatiente de les avoir pour les baiser. Tu ne dois pas les oublier encore aujourd’hui. Je t’aime mon Victor chéri. Je t’adore mon cher petit homme. Je voudrais baiser tes pieds. Je voudrais mourir pour toi et pour tous ceux que tu aimes ! Dépêche[-toi] de venir bien vite mon adoré, que je sache comment tu vas.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 25-26
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « vienne ».


7 août [1842], dimanche après midi, 3 h.

Je vous attends toujours mon amour, raison de plus pour que vous ne vous pressiez pas, n’est-ce pas mon cher petit Jean de Nivelle [2] ? Vous avez raison puisque ça ne m’empêche pas de vous aimer. Vous avez beau ne pas faire, je vous aime comme une enragée. Vous saurez, mon Toto chéri, que je ne suis pas encore habillée. J’ai fait ce nettoyage sterling tout à l’heure et j’en suis encore tout en nage. Cela suppléea au défaut d’exercice et ne peut que me faire du bien en nettoyant ma maison. Cependant cela ne m’a pas ôté mon mal de tête, tant s’en faut. Quelle hideuse infirmité que celle que j’ai. Je ne sais pas ce que je n’aimerais pas mieux à la place de ce mal de tête quotidien. Au reste j’en souffre plus dans la chaleur que l’hiver. De ce côté-là je diffère entièrement de vous. Je crois aussi que c’est le seul. J’aime à vous copier en tout mais je crois que mon mal de tête est tout à fait ORIGINAL et n’appartient qu’à moi, c’est bien avantageux. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je ne sais plus à quel saint me vouer à présent pour vous faire venir. Voyons grand saint Toto laissez-vous attendrir et venez bien vite, je vous baiserai bien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 27-28
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « suplée ».

Notes

[1François-Victor Hugo se remet d’une grave maladie pulmonaire.

[2Référence à l’expression populaire, qui remonte au XVIe siècle : « C’est le chien de Jean de Nivelle qui s’enfuit quand on l’appelle ». Elle désigne quelqu’un qui se dérobe quand on a besoin de lui ou un lâche. Cependant, il n’est pas question de l’animal à l’origine. Jean de Nivelle, né en 1422, était le fils de Jean II de Montmorency. Lorsque Louis XI chercha des alliés pour combattre Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, Jean II demanda à son fils d’aller se battre contre lui. Malheureusement fort peu téméraire, Jean de Nivelle refusa et son père le déshérita en le traitant de « chien ». Une autre version dit que Jean de Nivelle, désobéissant à son père et à Louis XI, se rallia à Charles le Téméraire, provoquant sa disgrâce et justifiant son appellation de chien. Enfin, une dernière évoque le fait que Jean de Nivelle, homme brutal, aurait frappé son père et qu’il se serait enfui pour éviter de comparaître devant la justice. C’est ensuite dans son histoire mise en chanson peu après qu’on rencontre ce qui deviendra l’expression : « Il ressemble au chien de Nivelle / Qui s’enfuit quand on l’appelle ». On trouve aussi la forme être (comme) le chien de Jean de Nivelle.

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