3 août dimanche soir 10 h. ¼
Bonsoir bien aimé, bonsoir ma vie, bonsoir mon âme, dors bien, rêve de moi, je pense à toi. Je ne veux pas me coucher sans t’avoir dit un petit bonsoir et sans te baiser depuis la pointe de ton joli petit pied jusqu’au bout de chacun de tes doux cheveux. Je te verrai demain ! c’est bien sûr et bien vrai ! quel Bonheur !!!
Cher adoré, quel que soit le besoin et le désir que tu as de mes caresses, ils ne peuvent pas approcher du mien. Il me semble qu’on me mettrait à même ta chère petite bouche pendant cent ans sans interruption que je ne trouverai pas que c’est encore assez. Aussi j’attends demain avec la plus grande et la plus ardente impatience.
J’avais mes petites fillettes à dîner ce soir. Elles ont été bien fâchées de te savoir souffrant et ce n’est que sur l’assurance que je leur ai donnée que ce ne serait rien qu’elles ont repris leur gaieté accoutumée. Je leur ai lu le troisième acte d’Angelo. Elles s’en sont allées avec des yeux gros comme des poings aussi étaient elles bien heureuses. La fois prochaine je leur lirai le dernier mais aujourd’hui j’ai exigé qu’elles s’en aillent de bonne heure à cause du mauvais temps. Il paraît du reste que le Nautonnier [1], comme tu l’appelles, viendra avec sa mère dîner chez moi un de ces jours. Claire est allée chez ces messieurs [2] qui ont été satisfait de son histoire, de son calcul, de sa grammaire, mais très peu de l’orthographe d’usage qu’elle a très mal mis. Sur une quinzaine de mots difficiles, tout au plus, elle a fait cinq fautes. C’est désolant. Elle m’a promis de travailler plus que jamais. Dieu veuille que cela finisse par aboutir promptement. En attendant je bisque, je rage et je ne mange pas de fromage [3] mais je t’attends et je t’adore.
Juliette
Bonsoir encore une petite fois. Dors bien mon cher amour
Collection particulière