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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 juillet [1845], lundi matin, 9 h. ¾

Bonjour, pauvre cher aimé, bonjour, comment va ton bras ? Il paraît que ce papier est une indigne mystification. Je suis furieuse contre cette vieille bête d’apothicaire. Quand je verrai M. Triger, je ne lui ferai pas mon compliment sur son ami le droguiste. En attendant, tu souffres, toi, voilà le pire de l’affaire. Si j’essayais de te frictionner avec de la flanelle et de l’eau-de-vie camphrée, cela te soulagerait peut-être ? Je sens combien cette douleur doit te gêner et je voudrais pour tout au monde te l’ôter.
Cher bien-aimé, ce n’est plus aujourd’hui fête et dimanche mais c’est encore la Saint Victor. Est-ce que je ne te verrai pas un peu plus qu’hier ? Je suis si triste quand je ne te vois pas que je te supplie de me donner le plus de temps que tu pourras. Ma fille est partie ce matin à sept heures. En voilà pour quinze jours. Je voudrais, et je redoute en même temps, qu’elle soit appelée dans cet intervalle [1]. Il serait très fâcheux que d’une façon ou d’une autre elle fût renvoyée à l’année prochaine. C’est une épine que je voudrais hors de mon pied le plus tôt possible. De ton côté, mon cher amour, tu as aussi tes inquiétudes et tes petits chagrins sur l’issue des concours de tes enfants [2]. Aussi je voudrais être plus vieille d’un mois.
Bonjour, bien-aimé adoré, bonjour, mon cher amour, comment vas-tu, comment m’aimes-tu ? J’ai fait de vilains rêves sur toi. Je voudrais te voir pour savoir s’ils ne sont pas significatifs. Dépêche-toi de venir, mon Toto chéri, tu me tireras d’une petite inquiétude en me donnant une grande joie. Je baise ton cher petit bras malade.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 57-58
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


21 juillet [1845], lundi après-midi, 3 h. ½

Non, mon cher bien-aimé adoré, je ne veux pas ajouter à la fatigue de ton travail la pensée de me savoir triste. Je ne suis pas triste, je t’aime. Je n’ai rien à envier aux plus jeunes, aux plus belles, aux plus riches et aux plus heureux si tu m’aimes. Si tu m’aimes, mon Victor adoré, ma vie, mon âme, je suis heureuse, je suis gaie, je suis contente, je ris, je chante et je t’attends avec courage. Si tu m’aimes, ne t’inquiète pas de moi, ne me plains pas, car je dois faire envie aux anges. Cher mignon, cher beau, doux, noble, gracieux, charmant et ravissant petit homme, tu es ma joie, mon orgueil et ma vie. Je n’existe que par toi et que pour toi. Tu es mon Victor adoré. Vaa dîner chez Mme Asseline, je n’en serai pas jalouse. Reçois toutes les plus belles fleurs du monde, je ne te les envierai pas. À toi tous les hommages, toutes les fleurs, tous les respects, toutes les admirations et tous les cœurs, c’est juste comme il est juste que ton amour soit à moi. Tâche de venir ce soir le plus tôt que tu pourras, tu me combleras de bonheur. D’ici là, je pense à toi, je te désire, je t’attends, je te baise de l’âme et je t’adore comme un bel ange que tu es.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 59-60
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « Vas ».

Notes

[1Claire prépare l’examen pour devenir institutrice. Elle a échoué à l’examen le 12 juin et attend une nouvelle date de passage. Elle passera de nouveau l’examen en février et mars 1846, sans succès.

[2François-Victor et Charles Hugo ont passé le Concours Général.

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