Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Avril > 21

21 avril [1845], lundi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon cher petit homme, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Es-tu moins fatigué que cette nuit ? Si j’osais, je te demanderais ce qui te mécontentait, car pour moi qui connais ton inaltérable sérénité même au milieu des plus grands embarras et des plus grandes fatigues, j’ai bien vu hier que tu étais contrarié et mécontent. J’espère que ce n’est pas contre moi, mais cela ne me suffit pas. Je n’aime pas à te savoir fâché n’importe contre qui ou contre quoi. Je n’ai pas voulu redoubler ton agacement en insistant pour en savoir le motif. Si tu veux me le dire, si tu peux me le dire, je serai moins tourmentée et moins préoccupéea de ce petit incident.
Quand te verrai-je, mon Victor adoré ? Probablement pas avant ce soir ? Hum !.... C’est bien moi qui ai le droit d’être agacée, triste et découragée, car mon sacrifice est sans compensation. Il est vrai que j’use largement de mon droit et que je suis tout cela autant et plus qu’on peut l’imaginer. Cependant je te montre le plus souvent un visage riant quand j’ai les yeux pleins de larmes et le cœur serré comme dans un étau. C’est mon devoir et je ne prétends pas que tu m’en tiennesb compte autrement que par l’amour. Il est bien juste, pauvre adoré, que je n’ajoute pas mes propres ennuis à tous ceux que tu as déjà. D’ailleurs, si tu m’aimes, je suis heureuse, je suis joyeuse, je suis la reine de l’univers. Ton amour, c’est ma vie, mon bonheur, ma richesse et ma gloire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 81-82
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « préocupée ».
b) « tu m’en tienne ».


21 avril [1845], lundi après-midi, 3 h. ½

Cher adoré bien-aimé, je t’attends, je te presse par la pensée, par le désir et par l’amour pour te faire venir plus vite. Est-ce que tu ne pourras pas venir me voir une petite minute en sortant des Tuileries [1] ? J’ai tant besoin et tant envie de te voir que tu devrais tâcher de venir en dépit de toutes tes affaires. Quelle belle journée, mon Victor bien aimé, quel bonheur ce serait si tu venais me chercher tout à l’heure pour aller dîner au cabaret. Ce ne serait pas pour la viande, quoique tu sachesa très bien que je veux de toi et que j’aie très bon appétit, mais pour passer trois ou quatre bonnes heures mon bras à ton bras, mes yeux dans tes yeux, mon haleine dans ton haleine, mon âme dans ton âme. Hélas ! Hélas ! Hélas ! il ne m’arrivera pas un pareil bonheur. Ces surprises-là ne sont plus faites pour moi. Tout ce que je peux raisonnablement espérer à force d’attendre et de crier, c’est de te voir ce soir avant ton dîner pendant 3 minutes et demie. Enfin ce sera déjà beaucoup et je me croirai, et je serai la plus heureuse femme du monde pendant ces trois minutes. En attendant, j’en suis la plus impatiente et la plus amoureuse et je t’adore de toutes mes forces et bien plus encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 83-84
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « quoique je tu saches ».

Notes

[1La Chambre des pairs siège au Palais du Luxembourg.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne