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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars 1844

4 mars [1844], lundi matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour mon Toto doux et charmant, bonjour je t’aime de toute mon âme, mon cher adoré. Bonjour, comment vas-tu ce matin ? J’ai reçu une lettre et un bulletin de Claire. La lettre et le bulletin sont satisfaisants tous les deux. Les remarques de Mme Marre sont tout à fait bonnes. Pauvre enfant, j’espère que c’est une amélioration radicale et que rien de ce qui m’a tant inquiétée et tant affligée ne se remontrera désormais.
Si j’étais sûre que tu viennes de bonne heure et que tu restes avec moi bien longtemps, je serais tout à fait heureuse ce matin. Mais hélas ! c’est peu probable et je ne sais pas être heureuse sans toi. Ce n’est pas ma faute. Tu n’as pas d’Académie aujourd’hui mais tu auras sans doute des commissions plus que tu n’en pourras faire ? Je m’y attends et cependant je sens que je suis déjà triste comme si ma journée s’était passée à t’attendre et à compter sur toi. C’est que pour moi il n’y a pas de consolation pour ton absence ; aucune raison et aucun raisonnement ne peuventa me faire accepter avec patience le chagrin de ne pas te voir. Si tu peux venir un moment dans la journée, ce sera toujours un éclair de joie dans ma nuit. Pense à moi, mon adoré, je le sentirai et cela me donnera du courage. Aime-moi si tu veux que je vive.
Je baise tes chères petites mains, je voudrais te couvrir de baisers et puis recommencer toujours. Je t’assure que je ne me lasserais pas. Veux-tu en essayer ? Taisez-vous, scélérat, vous n’oseriez pas.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 249-250
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « peut ».


4 mars [1844], lundi soir, 5 h. ½

Que te dirai-je, mon Toto, pour ne pas te parler de ma tristesse et de mon impatience ?
Je n’ai pas l’esprit de rien trouver que ce qui est dans mon cœur.
Cependant, je pourrais bien te dire, pour peu que cela t’intéresse, que j’ai eu les fumistes encore aujourd’hui, et qu’ils s’en vont seulement à présent. J’espère que cette fois ce sera la dernière. La cheminée a l’air en effet d’aller maintenant sans fumée. Voilà, mon cher petit, tout ce que j’ai d’ingénieux au fond de mon sac. Tu vois qu’avec toute la bonne volonté que j’y mets, il me reste encore deux pages à noircir de mon humeur et de mon découragement. Je t’aime trop mon Toto, ceci est la bien trop vraie vérité. Mais… qu’y faire ?
Je donnerai une fameuse récompense HONNÊTE à celui qui me donnerait la manière de t’aimer moins. Jour Toto, jour mon cher petit o, prenez garde qu’il en vous tombe des cheminées sur votre gibusa car il fait un vent atroce. Vous savez que je n’avais pas le sou hier ? Eh ! bien cela ne m’a pas empêchée de dépenser près de trente francs aujourd’hui tant en huile qu’en rétamage, en éponges, en poêlon et autres brics-bracs de ménage. Donc il faut bien que je m’occupe à quelque chose puisque je ne vous vois pas. Tant pire pour vous, vous n’avez qu’à venir plus souvent, je songerai moins et même pas du tout à mon ménage.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 251-252
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « jibus ».

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