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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 janvier [1844], jeudi matin, 11 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé. Bonjour, mon Olympio [1] adoré. Bonjour, je baise tes divins petits pieds. Bonjour ma vie. Bonjour ma joie. Il faudra pourtant que tu me mènes revoir tous ces paradis de nos belles amours. Je te prierai tanta que tu ne pourras pas me refuser, à moins que cela ne te fasse du mal, mon cher adoré, auquel cas je n’insiste pas. Moi, il me semble que cela nous portera bonheur, il me semble que le bon Dieu nous tiendra compte de ce pèlerinage à la Mecque de nos amours.
J’ai peur de te dire cela d’une manière ridicule et cependant ce que je sens au souvenir de ces deux ravissantes années [2] est ineffablement précieux. C’est à genoux que je voudrais refaire la route sur la trace de ton cher petit pied. Je voudrais baiser chaque arbre, chaque feuille de ceux qui nous ont abrités. Je voudrais mourir d’amour sur le seuil de cette maison qui nous a vusb si heureux.
Mon Victor adoré, si tu savais comme je t’aime. Rien ne s’est affaibli en moi. Je t’aime comme le premier jour. Je t’aimerai comme cela jusqu’à mon dernier soupir. Je t’aime. J’ai rêvé de toi toute la nuit, mon Toto chéri. Cela m’arrive presque toutes les nuits et depuis mon dernier sommeil jusqu’au moment où je me réveille tout à fait. D’ailleurs, de qui et de quoi pourrais-je rêver puisque rien n’existe pour moi que toi ?
Pense à moi mon cher bien-aimé. Tâche de venir bien vite me donner du courage et de la joie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 93-94
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « temps ».
b) « vu ».


25 janvier [1844], jeudi soir, 6 h. ¼

Encore une journée bien longue et bien triste pour les yeux et pour le cœur. Il fait gris et froid dans le ciel comme dans mon cœur quand je ne te vois pas. Tu es la lumière de ma vie et le soleil de mon âme. J’ai reçu une lettre de Claire qui me mande qu’elle a besoin d’être soignée. Il paraît qu’elle souffre toujours de plus en plus de l’estomac et de la tête. Ce que nous espérions n’est pas venu, c’est ce qui augmente encore le malaise.
Je t’attendais pour écrire à M. Triger afin qu’il aille au plus tôt la soigner puisqu’il le faut. Tu vois, mon pauvre adoré, que même de ce côté-là je n’ai aucune tranquillité ni aucune joie. Je ne m’exagère pas cette perturbation mais cependant il m’est impossible de n’avoir pas de vives inquiétudes sur cette longue indisposition. Sans parler du temps qu’elle fait perdre et de ce qu’elle coûte. Enfin, mon pauvre adoré, tu vois que pour moi tout n’est pas rose malgré ton admirable dévouement.
Je n’ai pas le cœur de te parler d’une lettre que j’ai reçue de Mme Krafft avec un morceau d’entoilagea. Il parait qu’elle demeure chez son futur sans être mariée [3]. Tout cela me parait fort aventuré ! Mais je te le répète, je n’ai pas le cœur disposé à m’en occuper. J’ai besoin de te voir plus que jamais et je te désire de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 95-96
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « entoillage ».

Notes

[1Hugo se surnomme lui-même Olympio.

[2Juliette fait référence à la petite maison des Metz dans laquelle Hugo l’installa durant les étés 1834 et 1835 tandis qu’il séjournait non loin de là avec sa famille, aux Roches, chez les Bertin.

[3Mme Krafft demeurerait avec son futur époux, Jean Luthereau avant leur mariage qui a lieu un mois plus tard, ce qui est à l’époque mal vu par la société.

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