Paris, 30 décembre [18]77, dimanche matin, 11 h. ½
Cher bien-aimé, mon bonjour ce matin devancera le tien comme mon amour dépasse le tien toujours. C’est dans l’ordre et j’en suis heureuse et fière. J’espère que tu as passé une bonne nuit. La France donne la nouvelle de ton grand cordon proposé par Bardoux [1]. Du moins elle le répète d’après le Constitutionnel. Quant à moi, je ne m’en émeus ni dans un sens ni dans un autre sens, attendu que pour moi personne ne peut mieux t’honorer que toi-même en continuant d’être ce que tu es et de faire ce que tu fais. Je m’exprime mal mais je pense bien et je t’admire et je t’aime mieux encore. Donc j’attends sans impatience et sans trouble aucun le résultat de l’idée respectueuse et touchante du bon Bardoux.
Les lettres et les journaux affluent ce matin, mon pauvre trop aimé, et je ne sais pas comment tu t’en tireras. Moi-même j’ose à peine te faire souvenir que c’est après-demain mardi que tu dois me donner ma petite lettre annuelle sans laquelle je ne peux pas commencer l’année. Pardonne-moi cette corvée et souris-moi, aime-moi, bénis-moi comme je le fais en ce moment pour toi.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 353
Transcription de Guy Rosa
[Massin]