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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 décembre [1843], mercredi matin, 10 h.

Bonjour mon petit Toto bien-aimé, bonjour ma adoré petit homme, bonjour, bonjour, je t’aime. Ô oui je t’aime ! Je ne peux pas dire que ce soit tous les jours plus parce que l’impossible n’existe pas mais je t’aime tous les jours autant. Jamais tu ne m’as paru plus jeune, plus beau et plus charmant qu’à présent. Tu es mon ravissant petit Pécopin [1] à qui mon amour sert de talisman. Mais prenez garde que je ne vous aime plus et que je m’enferme comme une petite vrille de flamme dans mon plancher et vous verrez la figure et la perruque d’académicien que vous aurez à la place de vos plantureux cheveux noirs et votre délicieuse petite figure de jouvenceau.
Moi qui n’ai pas de talisman je file des jours tristes de cheveux gris comme la pauvre Bauldour et je me glabre de plus en plus. Voilà ce que c’est que d’aimer un beau Pécopin qui courta les aventures. Si jamais je redevenais jeune cela ne m’arriverait plus. Voime, voime, je t’en fiche.
J’ai oublié de te prier hier d’écrire un mot sur l’exemplaire de ton discours que je voulais envoyer à mon beau-frère. C’est ma faute mais cela lui aurait fait un double plaisir avec un petit mot de toi. La caisse part ce soir. J’ai envoyé tout à l’heure le discours chez la mère Lanvin.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Je voudrais bien vous voir mon adoré. Est-ce que vous ne viendrez pas bien vite ? Tu m’as quitté bien tôt hier, mon cher bien-aimé, cela a diminué d’autant ma pauvre petite ration quotidienne de bonheur. Il faut tâcher de me la rendre aujourd’hui en venant plus tôt et en restant plus longtemps. Je serai la plus heureuse des femmes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 215-216
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « courre ».


27 décembre [1843], mercredi soir, 10 h.

Tu es venu dans un bien mauvais moment tantôt mon adoré, et pour que rien ne manque à mes regrets tu n’es pas revenu depuis. Hélas je ne suis pas heureuse en rien et pour une pauvre fois que tu viens par hasard de bonne heure tu me trouves dans un hourvaria [2] hideux et dans un négligé du matin à ne pas prendre avec des pincettes. Tu t’es sauvé du coup et tu n’as pas encore pu prendre sur toi de revenir dans la crainte de revoir cette effroyable sorcière de tantôt. Cependant mon cher petit, je me suis bien dépêchée de finir tous les ramonages pour me débarbouiller et me rabobiner un peu dans l’espoir que tu reviendrais ce soir. Hélas ! Ma propreté tardive m’a moins réussi que ma saleté de ce matin. Enfin, il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher et se résigner, sinon de fait, au moins d’apparence.
Jourdain a envoyé chercher les deux fauteuils tantôt. Son ouvrier a essayé de rajuster le lit mais il n’y a pas réussi : il prétend qu’il faudra être deux et avoir peut-être besoin du menuisier. Autre aria [3] et autre ennui. Mme Guérard est venue me voir ce soir, je lui ai promis ton discours que je lui donnerai si tu me le donnes car nous n’avions pas compté sur celui de mon frère.
Je t’aime mon Toto mais je [illis.]

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 217-218
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « ourvari ». 

Notes

[1Pécopin est le personnage d’une légende reprise dans la lettre XXI du Rhin, « La légende du beau Pécopin et de la belle Bauldour ». Lui rajeunit au fur et à mesure qu’elle vieillit.

[2Hourvari : grand tumulte.

[3Aria : occupation, désordre.

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