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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 octobre [1842], samedi soir, 5 h. ¼

Vous êtes bien bien gentil, bien ravissant et bien TOUT, mon adoré, d’être venu déjeuner avec moi ce matin. J’avais besoin de ça pour me rabibocher de la triste matinée de jeudi. Merci mon Toto de me l’avoir donné, merci, je t’aime Toto. Cette nuit, en me couchant, j’avais un fameux nez de ne vous avoir pas vu de la soirée. Si vous n’étiez pas venu ce matin, ma foi, je ne sais pas ce qui serait arrivé car j’étais bien méchante et bien malheureuse. Maintenant, mon Toto chéri, il ne faut pas me retirer d’une main ce que vous me donnez de l’autre comme c’est PEU LOUABLE habitude. J’ai une peur de chien que vous ne veniez pas de toute la soirée. Je crains que le brouillard ne vous effarouche et que vous ne restiez à votre DOMICILE tandis que je vous attendrai dans le mien ? Il me semble pourtant qu’avec un peu de précaution, et enveloppé de flanelle des pieds à la tête comme vous l’êtes, il n’y a aucun danger. Pensez à cela mon adoré et à la tristesse que j’auraisa si vous ne venez pas compléterb ce soir le petit bonheur commencé ce matin. Jourdain est enfin venu, presque aussi maussade et aussi BOUILLASSEUX que le temps. Je n’en suis pas très satisfaite pour le quart d’heure. J’ai écrit comme tu le sais à ton bottier de venir demain. J’ai fait MON MÉNAGE et puis je me suis presque débarbouillée. Je n’ai pas voulu toucher à l’argent, j’aime mieux que tu me le donnes. Maintenant, j’attends MA RAZZIA avec une confiance digne d’un meilleur Toto. Nous verrons si le remord vous gagnera enfin et si vous ÉPROUVEREZ LE BESOIN de faire une rafle sterling sur vos penaillons au bénéfice de mon établissement et à la grande joie de ma rapacité bien connue. Je ne vois pas la pluie de ma cloche puisque vous êtes décidé à n’avoir pas d’oreilles pour elle. Mais si vous aviez le sens commun, vous me laisseriez la maîtresse de faire à ma guise pour cette fois et de n’en rendre compte à personne. Taisez-vous, vous êtes un bête, c’est bien bien vrai. Tâchez de venir tout de suite si vous ne voulez pas me voir aussi tigresse que je suis brebis, aussi féroce que je suis douce dans ce moment-ci. Baisez-moi, scélérat, et aimez-moi si vous tenez à la vie. Je vous aime, moi, et je baise vos quatre petites pattes blanches !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 177-178
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « j’aurai ».
b) « completté ».

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