1er avril [1837], samedi matin, 11 h. ¾
Jour mon petit homme chéri, jour mon cher petit bien-aimé. Quel temps pour aller à cheval sur la terre et sur l’onde ! Et comme nous devrions bien nous embarquer pour un petit voyage au risque de nous faire mener en esclavage par des CORSAIRES. Quanta à moi l’esclavage ne m’effraye pas, il est probable même que je ne m’apercevraib pas de mon changement d’état. Jour, un vieux bête. Les poissons que nous avons mangés hier n’étaient ni aussi beauxc ni aussi gras que celui que vous avalâtes il y a aujourd’hui deux ans [1]. Mais il [illis.] moins leur charme. Je ne parle pas de ce poisson monstrueux que vous m’avez forcéed d’avaler avec toutes les arêtes et dont la digestion ne sera pas encore faite à la fin d’avril [1847 ?]. Dieu, quel poisson ! Et quelle sauce ! Ô mais c’est égal vous êtes très bon et très gentil et vous êtes très aimé et très adoré : je m’en vante. Le beau soleil me fait germer un énorme SAC de nuit. Bientôt vous l’allez voir grossir et fleurir et on ne pourra plus le retenir. Avec ça qu’il me pousse de partout des envies de courir les aventures avec vous. Heim !!! Malheureusement vous n’avez pas de cœur et ce sera en pure perte que l’herbe verdoiera, que le soleil reluira, que les moutons poudroieront [2]. Nous resterons comme des mufles qui ont vu La Camaraderie [3], piècee en cinq actes et en [illis.] : et puis je vous aime et puis je vous adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16330, f. 1-2
Transcription de Chantal Brière
a) « Quand ».
b) « appercevrai ».
c) « beau ».
d) « forcé ».
e) « pièces ».
1er avril [1837], samedi après-midi, 1 h. ½
Je me figure, je ne sais pourquoi ou plutôta je le sais très bien, c’est que j’ai le plus grand besoin de te voir, et c’est ce qui me fait croire que tu vas arriver. Aussi je me dépêche de faire mes affaires pour être prête quand tu viendras, mon cher adoré, mon Toto bien-aimé. Jour mon chéri, jour vous, jour toi. Car j’ai le droit de vous tutoyer, ce dont je suis plus heureuse que fière quoique je ne le sois pas médiocrement quand je vous dis : je T’AIME. Il me semble que j’ai dix pieds de haut. Jour. N’est-ce pas un samedi que vous devez nous conduire au Salon [4] ? C’était un fameux jour aujourd’hui, il est vrai qu’il faut peut-être y aller de bonne heure ce qui serait gênant pour mon état de Cendrillon qui dure tous les jours jusqu’à 3 ou 4 h. Heureusement que ça va finir bientôt et que je vais renaître de mes cendres comme le phénix dont vous êtes l’image. En attendant je me dépêche le plus que je peux. Je vous aime de toute mon âme. Je ne pense qu’à vous, je ne désire que vous et n’attendsb que vous. Je baise vos mains, vos pieds et tout ce qu’il y a entre. Je vous adore. Vous êtes mon Toto bien-aimé.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16330, f. 3-4
Transcription de Chantal Brière
a) « plus tôt ».
b) « n’attend ».