13 février 1859

Guernesey, 13 février 1859, dimanche, 9 h. du m[atin]

Bonjour, mon cher petit homme ; bonjour je t’aime. As-tu pu dormir cette nuit malgré la pensée qui te poursuivait hier au soir ? J’ai grand peur que non car tu paraissais ne pas vouloir lui faire beaucoup de résistance. Cependant, tu as vu ce que M^me Préveraud t’a dit d’elle-même sur l’inquiétude du docteur. Et tu sais que ce brave docteur est loin d’être un alarmiste. Quant à moi, je sais que ma sollicitude crie en vain dans le désert de ton cœur et que tu n’entends plus rien à mes craintes ni à mes tendresses, mais je n’en suis que plus effrayée et plus attristée. Et le jour où tu paieras toutes tes imprudences par une affreuse maladie, c’est encore ma pauvre âme qui en fera tous les frais et qui en souffrira le plus, soit dit AVEC reproche. Cette rengaine n’est pas très éloquente et encore moins persuasive pour vous, mon trop aimé, mais elle n’en est ni moins juste ni moins triste en elle-même, et je ne peux pas m’empêcher de vous la faire ni de vous aimer.

BnF, Mss, NAF 16380, f. 41
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette