Jersey, 16 juin 1860, samedi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé. Bonjour, que mon amour soit avec toi et le bonheur aussi. Voilà le temps gâté pour toute la journée, je le crains bien, mais si cela doit me procurer le bonheur d’être seule avec toi quelques instants de plus, loin de m’en plaindre j’en serai encore plus que s’il était rayonnant de soleil car je te dirai, mon doux bien-aimé, que rien ne prévaut pour moi comme bonheur, joie, plaisir, distraction sur le bonheur toujours de plus en plus béni d’être seule à seul avec toi. Quant à la journée d’hier, à part les rares et courts moments où je t’ai vu pendant notre expédition, je peux dire que je n’en ai eu que la poussière, la chaleur et la migraine, enfermée que j’étais et très refoulée au fond de l’omnibus avec de charmantes et excellentes femmes qui avaient cru devoir ajouter à leurs exhalaisons naturelles les parfums les plus âcres et les plus redoutables pour les cerveaux, sans compter, leurs petits jaspinages anglo-jersiais qui n’étaient rien moins qu’amusants. Heureusement que la soirée a été pour moi une adorable et aimable compensation, placée comme je l’étais entre toi et ton charmant fils Victor. J’y serais encore si je n’avais pas senti un peu de fatigue dans l’hospitalité toute gracieuse et très abondante de nos excellents hôtes, surtout étant obligée de rentrer seule avec Suzanne par l’obscurité la plus profonde à 1 h. du m[atin]. J’espère que tu n’auras pas tardé à aller te coucher et que tu viendras me voir bientôt. En attendant je t’envoie toutes mes tendresses.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 153-154
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
10 h. ½
Je vais me dégager du dîner que j’avais presque accepté hier chez les braves et excellents Guay. Je serai de retour pour midi. Dans le cas où vous pourriez venir au devant de moi, voici son adresse : [illis.] Road près l’église Saint-Marc. Mille tend…
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16381, f. 155
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette