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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 juin 1842

Lundi matin, 20 juin [1842], 9 h. ¾

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon pauvre ange triste et malheureux. Bonjour, je t’aime de toute mon âme. Comment notre pauvre petit malade a-t-il passé la nuit [1] ? Es-tu un peu moins tourmenté ce matin ? Mon Dieu, que je voudrais qu’à toutes mes questions, il y eût une bonne réponse. Pourquoi ne peut-on pas donner sa santé et sa vie comme on donne son amour et son cœur, il y a longtemps que ce pauvre petit bien-aimé ne souffrirait plus. Hélas, c’est bien triste de ne pouvoir pas rendre la santé et la joie à ceux qu’on aime. Je le sens jusqu’au fond de l’âme chaque fois que tu es souffrant ou que tu es affligé dans ton adorable petite famille. Je te dis tout ça d’une manière telle quelle mais dans mon cœur, mon bien-aimé, je suis prête à donner ma vie pour toi et les tiens, non pas avec dévouement, mais avec enthousiasme et avec bonheur. Espérons, mon cher adoré, que le retour du beau de temps et de la chaleur va remettre notre pauvre petit malade sur pied. Espérons que le bon Dieu aura pitié de nous tous en rendant la santé à ce cher bon ange et que nous allons être aussi heureux et aussi tranquilles que nous sommes malheureux et tourmentés aujourd’hui.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 159-160
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


20 juin [1842], lundi soir, 4 h. ½

Mon Dieu, mon pauvre adoré, quel affreux temps. Ce matin il s’était annoncé si beau que j’avais l’espoir que cela calmerait notre cher petit malade et voilà que depuis midi, les orages se succèdent sans interruption à l’envi l’un l’autre comme une fureur. À quel point cela m’attriste, je n’ose pas te le dire pour ne pas augmenter ta tristesse à toi-même. Encore si je pouvais te voir, si je pouvais savoir comment va ce pauvre petit bien-aimé, je serais moins malheureuse. Mais attendre, toujours attendre, c’est affreux quand on a de l’inquiétude et de l’amour plein le cœur. Je ne crois pas qu’il y ait de supplice plus grand que celui de l’attente de l’homme qu’on aime par-dessus tout et plus que sa vie. Je ne veux pourtant pas que tu viennes, mon cher adoré, par ce hideux temps avec tes petits souliers d’étoffe. Risquer de tomber malade à ton tour, ce serait pour m’en faire devenir folle. Non, mon pauvre amour, reste auprès de ton cher petit tant que cette affreuse pluie ne sera pas un peu [ressuyée  ?]. Pense à moi, plains-moi et aime-moi comme je pense à toi, comme je te plains, comme je t’aime, comme je te désire et comme je t’adore, mon cher petit homme.
J’ai vu le coiffeur, l’affaire est à peu près faite [2] mais je n’ai pas plus le cœur de t’en parler que toi de m’écouter. Ce sera assez tôt quand nous serons tous heureux et tranquilles. En attendant je baise tes quatre petites pattes blanches.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 161-162
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor, fils de Victor Hugo, se remet d’une maladie.

[2Juliette cherche un remède à ses cheveux blancs.

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