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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 mai 1842

8 mai [1842], dimanche matin, 10 h.

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour adoré. Tu n’es pas venu cette nuit à cause de cette stupide opération, j’en suis sûre. Mais en voilà pour longtemps je l’espère car je ne m’accommoderaisa pas de perdre la chance de te voir souvent. C’est bien trop que tu ne viennes pas de toi-même sans y prêter le flanc par mes horribles opérations. Du reste je ne sais pas si cela réussira mieux cette fois-ci. Mais ça n’est pas plus mal ni plus drôle que les autres fois. Je suis hideuse dans ce moment-ci et fort embarrassée de ma tête que je ne sais où mettre tant elle jette de poudre blanche partout. Décidément ce sont d’affreuses opérations et il vaudrait mieux n’en avoir pas besoin, ainsi que le dit Pascal [1].
Baise-moi mon Toto chéri et aime-moi. J’en ai plus besoin que jamais pour me faire prendre courage et confiance car je commence à n’avoir plus sucré de ces deux choses. M’aimes-tu mon Toto bien-aimé ? Tu es assez généreux pour te conduire envers moi comme si cela était mais moi j’ai l’affreux pressentiment que tu ne m’aimes plus d’amour. Si ce malheur que je redoute est vrai je ne sais pas ce que je deviendrai car je t’aime moi plus que jamais et plus que jamais il m’est impossible de vivre sans ton amour. Mais je te dis toujours la même chose mon Toto et cela doit t’ennuyer. Malheureusement je n’ai pas assez de ressources dans l’esprit pour composer des choses agréables quand des idées tristes le préoccupent et j’ai trop d’amour dans le cœur pour penser à autre chose d’indifférent. Ainsi t’aimer et avoir la crainte de perdre ton amour voilà la joie et le malheur de ma vie. Tout le reste n’existe pas pour moi ni en bien ni en mal. Baise-moi mon Toto chéri.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 21-22
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « acommoderais »


8 mai [1842], dimanche soir, 6 h.

Tu vois mon pauvre homme que tous ces essais ne sont rien moins que rassurants et qu’il vaut mieux à tout prendre avoir la perruque de Didone que la mienne. C’est une vérité dont je m’imprègne de plus en plus pourquoi cela ne suffit-il pas pour me servir de ? et de pommadea du chameau. Je ris mais au fond je suis très triste et très disposée à pleurer. Cependant il est impossible d’être plus doux, plus charmant et plus généreux que toi en cette circonstance et en toutes circonstances mais cela ne suffit pas pour me remettre les cheveux dans la tête et la confiance dans le cœur. Je suis plus persuadée que jamais que tu ne m’aimeras plus d’ici à très peu de temps si ça n’est pas déjà fait. Je fais comme les gens qui se noient, je m’accroche à tout, même à un brin de paille et cela ne m’empêchera pas de me noyer, mais enfin je n’aurai rien à me reprocher. Puisque tu n’as personne à dîner, mon amour, tu serais bien adorablement bon de venir très tôt ce soir et de me faire un peu marcher s’il ne pleut pas. Cette pauvre Claire en profiterait en même temps… Je t’aime mon Toto chéri. Je t’aime comme on aime ce qui est beau et bon, comme on aime les fleurs, comme on aime le soleil, je t’aime comme on aime le bon Dieu [2]. Je crois que je viens de plagier ce bon Ruy Gomez. Hélas j’ai le même amour dans le cœur et presque la même vétusté sur la carcasse. C’est ce qui est cause de certains de mes blâmes dans le [langage  ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 23-24
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « pomade ».

Notes

[1À élucider.

[2Don Ruy Gomez à doña Sol, Hernani, acte III : « Ah !Je t’aime en époux, en père ! Et puis encore / De cent autres façons, comme on aime l’aurore,/ Comme on aime les fleurs, comme on aime les cieux ».

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