4 juin 1872

Paris, 4 juin [18]72, mardi matin, 7 h.

Bonjour, mon tout adoré, bonjour, avez-vous rêvé chien, avez-vous rêvé que je vous aimais ? Alors c’est que vous dormiez les yeux tout grand ouverts puisque vous m’avez vue sous mes deux formes physique et psychologique. Quant à moi, je n’ai pas cette seconde vue, ni éveillée ni endormie, et c’est à peine si je distingue le bout de mon nez même avec des lunettes. Mon amour toujours en quête du vôtre cherche à tâtons la porte de votre cœur qu’il ne trouve pas toujours, et quand il l’a trouvée vous avez oublié de laisser la clef dessus. Cet état de choses n’est pas fait pour me procurer des rêves extatiques. Aussi mes nuits pour être blanches n’en sont pas plus aimables pour cela, témoin celle que je viens de passer sous l’influence de la médecine de Suzanne et de toutes ses conséquences. Cependant j’espère que la pauvre fille se sentira soulagée par le remède énergique qu’elle a pris. En attendant elle persiste à vouloir fara da se [1] et je ne veux pas la contrarier dans son amour propre, même mal entendu. Il sera toujours temps de l’aider si par malheur elle n’allait pas mieux. Qu’est-ce que tu feras aujourd’hui ou plutôt qu’est-ce que tu ne feras pas ? That is the question à laquelle tu es dispensé de répondre pour peu qu’elle soit indiscrète. Moi, je t’aime avec question et réponse.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 155
Transcription de Guy Rosa