Guernesey, 23 mai [18]70, lundi matin, 5 h. ¾
Bonjour, mon cher bien-aimé adoré, bonjour, sommeil toute la nuit et amour plein mon cœur tel est mon bulletin aujourd’hui. J’attends le tien pour savoir si je dois m’en réjouir ou m’en attrister. Le soleil, pas content ce matin [1], il a l’air d’un gros Anglais en colère. Cependant, à moins qu’il ne pleuve, nous ferons la promenade tantôt puisque la voiture est commandée pour quatre heures. Tu sais, mon pauvre grand bien-aimé que je ne te tiens pas quitte de la lecture promise. C’est ici le cas où la bonne volonté ne veut pas se passer de fait accompli. J’espère que tes bisbilles avec Mme Chenay n’y mettront aucun obstacle ce soir sinon je me fâcherai tout rouge à mon tour et ce sera terrible. Quand tu voudras aller acheter le lavabo de Mme Charles je suis à ta disposition tout à l’heure. Je viens de relire ma chère adorable petite lettre avant de la serrer dans mon livre rouge [2]. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 143
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette