Guernesey, 21 mars [18]70, lundi matin, 6 h. ½
Je t’envoie mon bonjour le plus tendre au risque qu’il se perde dans le brouillard. J’espère, mon cher bien-aimé, malgré tes habitudes extra-matinales, que tu dors encore, c’est pourquoi je t’adore tout bas, ne voulant pas te réveiller trop tôt. Je crois que tu feras bien de réfléchir longtemps avant de prendre un parti au sujet de ton pauvre voisin. Je te vois si peu d’instants en intimité que je n’ai pas le temps d’appeler ton attention sur les inconvénients sérieux qu’il y aura pour toi et surtout pour tes enfants, s’ils viennent te voir cette année, à avoir chez toi un homme malade d’une maladie, sinon contagieuse, au moins très malsaine pour les habitants de la maison [1]. Je te demande pardon de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Mais je t’aime trop pour ne pas te donner mon opinion même inutilement. En attendant tu feras bien aussi de veiller sur ton estomac afin que l’accident d’hier matin ne se reproduise pas. Je te recommande encore de m’aimer comme je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 81
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette