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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 novembre [1836], dimanche, 11 h. le matin

Bonjour, cher bien-aimé, j’ai passé la nuit la plus mauvaise qui se puisse faire. Ce matin je me sens mieux, mais je suis bien courbaturée.
Je t’aime, mon cher adoré. Cette nuit je t’en ai donné plus d’une preuve, c’était d’autant plus méritoire à moi que je souffrais horriblement et que je n’avais plus la tête à moi.
La bonne est revenue de chez Mme Pierceau, elle a rapporté le manteau de ma Claire. M. P… viendra aujourd’hui s’il ne pleut pas dans la journée. Cela n’empêchera pas, si tu peux me faire sortir, de prendre un peu d’air tantôt, outre fatiguée que je suis, je vais me lever pour être prête.
Que je t’aime mon grand et noble Victor. D’autres te le diront mieux que moi, mais personne ne le sentira aussi bien. Tout ce que M. V. [1] pense de toi, tout ce que le monde entier admire, moi j’en fais mon culte, ma religion. Tu es pour moi plus que Dieu lui-même, tu es mon amant adoré bonjour, bonjour, bonjour.
Elle est bien mareuleuse [2] la VIEILLEa Juju, de n’avoir pas eu l’ombre de son Toto ce matin. Pour se consoler elle l’attend très tôt très tôt, ce qui fait qu’elle garde tous ses baisers pour les donner en nature à [illis.].

J.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 181-182
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « vielle ».  


27 novembre [1836], dimanche soir, 3 h. ¼

Toute endolorie et encore toute souffrante, je m’étais levée pour m’apprêter dans le cas où tu serais venu me prendre, précaution inutile. Voici la nuit venue et le soleil parti sans que j’aie pu mettre le pied dans la rue. Je ne me plains pas de toi parce que je suis sûre que ce n’est pas ta faute, mais je me plains du hasard qui s’oppose pendant trois cent cinq jours de l’année à ce que je profite d’un seul petit rayon de soleil. Il m’est bien permis de bougonner après le hasard peut être.
J’attends Mme P. [3]… mais ce que j’attends avec impatience, c’est vous mon cher adoré, c’est bien vous méchant petit homme, qui n’êtes pas venu me voir ni cette nuit ni ce matin. Cependant cela m’aurait fait grand bien car j’étais à moitié morte.
Je vous aime, mon petit Toto. Vous ignorez ce fait, je vous l’apprends. Je ne crois pas que cela vous importe autant qu’à moi, mais c’est pour la vérité de la chose que je vous le dis.
En attendant qu’il plaise à votre gracieuse majesté de venir, je me permets de déposer dans les poches de sa redingote le trop plein de mon amour.
Vous voici : tant mieux.

J.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 183-184
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Peut-être le jeune Auguste Vacquerie, qui, à dix-sept ans, entre en contact avec Victor Hugo en lui déclarant son admiration, et que Hugo complimente sur ses vers.

[2Néologisme pour « malheureuse ».

[3Vraisemblablement Mme Pierceau.

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