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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 31 octobre 1860, mercredi, 5 h. ½ du soir

Encore en retard, mon cher bien-aimé, et pourtant je suis levée depuis dix heures, c’est-à-dire avant le jour. Mais tu ne saurais croire tout ce que j’ai eu à faire depuis ce matin jusqu’à présent. Mais je t’entends, te voilà, quel bonheur ! J’aime mieux, cent milliards de fois mieux, te voir, te parler, te baiser, t’adorer que de te gribouiller n’importe quelle stupide tendresse.

8 h.

Je reprends mon gribouillis où je l’ai laissé mais sans espoir cette fois de le voir interrompu par toi aussi agréablement que tantôt. Mais je trouve encore très doux, à défaut de ta chère petite personne que je préfère à tout, de te rabâcher à distance tout ce qui me passe par le cœur et par la tête et à ce sujet je te demanderai si tu es aussi innocent que tu le dis de la disparition de la fleur [1] si coquettement provocatrice de la trop provocante Marie de Solms [2] (Née bonaparte wysea) ? Déjà vous m’avez caché la précédente lettre, à cette écrivassière enragée, laquelle contenait, à ce qu’il parait, de tendres confidences auxquelles vous vous êtes hâté de répondre. Tout cela est grave, si vous ne m’aimez plus, mais comme j’ai la fatuité de croire le contraire je vous pardonne et je m’en fiche et je vous baise et je vous adore.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 229
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « Wayse ».

Notes

[1On trouve trace de cette « fleur si coquettement provocatrice » dans une lettre de Hugo à Marie de Solms datée du 19 novembre 1860 : « Vous m’envoyez une rose ; qu’allez-vous dire, madame, en recevant pour remerciement cette figure sévère ? [...] Vous me priez d’aller à Paris en termes charmants, [...] mais si j’y allais, vous ne me le pardonneriez pas. [...] vous comprenez le devoir, et vous diriez en me voyant : voici une sentinelle qui a quitté son poste. » (CFL, t. XII, p. 1107)

[2Marie de Solms, Maria-Studolmine Wyse (1833-1902) épouse le comte de Solms en 1848 (veuve, elle se remarie en 1863). Cette femme de lettre aux nombreux amants est, comme le précise Juliette, petite-fille de Lucien Bonaparte par sa mère. Cependant, républicaine affichée, elle est expulsée par son cousin Napoléon III et se réfugie en Savoir qu’elle quitte en 1859 après l’amnistie et la réunion de la Savoie et de la France.

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