Guernesey, 11 août 1860, samedi, 9 h. après-midi
Cher adoré je t’écris au bruit d’une salve de canon qui annonce un gouverneur ou un prince époux quelconque mais je m’en fiche et tout leur vacarme ne m’empêche pas d’entendre la voix de mon cœur qui crie plus haut que tous les canons de l’univers : je t’aime. Ce matin je n’avais pas pu t’écrire à cause de mes petits tripotages domestiques mais je prends ma revanche à présent en attendant l’arrivée de MM. les photographes [1]. Et à ce sujet je crois qu’on ne fera jamais de toi un plus beau portrait que le daguerréotype que j’ai. Plus je le regarde et plus je le trouve saisissant de la vraie et bonne ressemblance et quoique ce portrait [illis.] plus de six ans de date il est toujours d’une ACTUALITÉ charmante comme s’il venait d’être fait il y a une heure. Aussi je t’avoue que je le verrai avec peine sortir de mes mains même quelques instants. Cependant je te ferai ce sacrifice pour que tu le remontres chez toi, sûre que tu n’abuseras pas de ma confiance. En attendant je le garde et je t’adore à travers lui.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 211
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette