Guernesey, 15 novembre, [18]65, mercredi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime. Je crains que tu n’aies passé une mauvaise nuit, car le signal [1] n’est pas à son poste, quoique le soleil soit déjà à la besogne et remplisse le ciel de son vacarme [2]. Tu fais bien de te reposer, mon pauvre WORKMAN, et de rattraper un peu de sommeil si tu peux. Moi je vais prendre mon bain, ce qui achèvera, je l’espère, de me débarrasser tout à fait de mon inavouable bobo. Du reste, je n’ai, je crois, jamais mieux dormi que pendant que je l’avais, à part la première nuit. Je suis bien contente que tu te décidesa à écrire aux excellents Berru, car je sais quelle importance et quel prix ils attachent à tout ce qui vient de toi [3]. Tu feras peut-être bien de rappeler en même temps le souvenir de Considérant et de sa femme, car eux aussi t’adorentb et ils seront bien heureux que tu daignes t’en apercevoir. Je t’enverrai mes deux petits flacons de RHUMc et de [illis.] tantôt par Elisabeth. À ce propos, je te ferai remarquer que pour peu qu’il te déplaise de prendre chez toi huit jours plus tôt que tu ne voulais la nouvelle servante, tu n’as qu’un mot à dire et la mère d’Elisabeth la logera jusqu’au départ de Virginie [4]. La mère d’Elisabeth s’informera aujourd’hui du motif qui l’a fait quitter brusquement sa place au Mont Durand [5] et me le fera savoir quel qu’il soit pour que tu agissesd envers cette jeune fille avec connaissance de cause. Elisabeth ne la connaît que sous le rapport des mœurs, qui sont irréprochables jusqu’ici ; de son travail elle ne sait rien. Je te dis tout cela en ma qualité de mouche du coche et de femme qui voudrait t’épargner tous les ennuis domestiques et de Juju qui t’adore.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 176
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « décide ».
b) « t’adore. ».
c) « RUM ».
d) « agisse »