Guernesey, 10 février [18]70, jeudi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je t’envoie du fond de mon cœur et de mon lit, mon bonjour le plus chaud et le plus bouillant. Je te demande en échange ta bonne nuit contre la mienne qui a été excellente de tout point. J’espère que la tienne ne lui est pas inférieure, autrement je demande un fort appoint. À propos d’appoint, je ne crois pas que la nouvelle d’hier le soit, appoint, par rapport à la révolution à Paris [1]. Après cela il y a si longtemps que cette même révolution attend sa maturité qu’il est probable qu’elle en est blettea, et peut-être pourrie à l’heure qu’il est. Les journaux d’aujourd’hui nous dirontb ce qu’il y a de vrai dans le bruit muet du Télégramme Jersiais [2]. En attendant je dorlotte ma vieille goutte avec toutes les câlineries dues à son sexe et à son rang. J’attendrai que tout soit parfaitement tranquille autour de ta Lucrèce pour prendre au sérieux le cadeau magnifique que tu m’as offert si généreusement le premier jour de son triomphe [3]. Puis je te prierai de nouveau de me donner ta puissante recommandation à Hachette pour mon neveu [4]. Tout cela fait, n’ajoutera rien à mon amour et à ma reconnaissance parce que rien ne peut plus les augmenter puisque je t’adore et te bénis.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 41
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « blête ».
b) « dirons ».