Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1839 > Juillet > 28

28 [juillet 1839], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Je vous aime, et je ne prends pas la MOUCHE puisque vous m’assurez qu’elle est à THÉOPHILE GAUTIER [1] et que vous n’êtes pas capable de tromper une pauvre femme qui vous aime de toute son âme. Je dors tant et si bien que je finis par avoir un mal de tête absurde. J’ai ce matin la lèvre grosse comme le poing, de la fièvre ou du sang qui se porte avec trop de violence dans cette partie-là. J’aurais besoin d’être SAIGNÉE et RESAIGNÉE. Vous qui savez l’anglais et le portugaisa, vous devriez ne vous en rapporter qu’à vous pour cette opération chirurgicale. Baisez-moi. Si on ne peut pas rire à présent, c’est pas la peine. Vous ne m’avez pas donné une seule petite fleur de tous les bouquets que vous avez reçus [2], c’est bien vilain. Autrefois vous m’en donniez et je les conservais. Quand vous ne travaillerez plus, je vous surveillerai joliment car je m’aperçoisb que vous tournez insensiblement à la perruquière, à la bonne d’enfant et à la femme de lettres d’une manière peu édifiante pour mon amour. Aussi soyez tranquille, je vais avoir l’œil sur vous. En attendant tâchez de vous bien conduire et de marcherc droit… à mon lit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 165-166
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « portuguais ».
b) « apperçois ».
c) « marché ».


28 juillet [1839], dimanche soir, 5 h. ¼

Vous êtes bon, mon petit homme, vous êtes ravissant, mon Toto, je vous aime, mon grand Victor. Pauvre bien-aimé, quand je pense à ce que tu fais et à ce que tu es, je te trouve aussi grand et aussi bon que le bon Dieu. Je ne sais pas bien dire ce que je sens mais ce que je sens est digne de toi. Je suis à l’état de mouche naturelle, et non de bijou. Je t’aime, mais je ne sais pas comment le dire. Je t’aime : voilà tout. Et cette fois le poisson vaut mieux que la sauce, fût-elle de [vous ?]. Claire va venir tout à l’heure et les petites filles sont dans le ravissement. Je ne suis pas fâchée non plus de les avoir à cause de Claire qui n’aurait pas été bien gaie ni bien divertie en tête à tête avec moi. Jour mon Toto. Tâche de nous faire sortir ce soir. Ce sera très i et très amusant. C’est si bon de s’accrocher à ton cher petit bras et de marcher côte à côte avec toi, même sans rien dire. Le bonheur de te sentir et de te voir, c’est déjà le ciel. Je n’exagère pas, mon amour. Tout ce que tu [3] dis est bien au-dessous de ce que j’éprouve. Je t’aime comme jamais homme n’a été et ne sera jamais aimé. Baise-moi et viens si tu peux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 167-168
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

Notes

[1À élucider.

[2Pour la Saint-Victor, le 21 juillet.

[3Lapsus : Juliette a sans doute écrit « tu » pour « je ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne