Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1839 > Juillet > 22

22 juillet [1839], lundi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon adoré. J’ai déjà dit bonjour à L’AUTRE [1]. Il est de plus en plus i puisqu’il vous ressemble de plus en plus. Seulement je crains qu’il n’ait attrapéa quelques accrocsb à ses divers habits. J’en ai plus peur qu’envie et je voudrais bien que tu vinssesc tout de suite pour te baiser et pour savoir à quoi m’en tenir sur les divers délabrements que je redoute. La peinture étant tout à fait fraîche, il n’est pas étonnant qu’entre nos MAINS INHABILES et peu SÛRES nous ayons fait des bêtises. Enfin la figure est restée intacted comme dans L’ORIGINAL. C’est tout ce qu’ile me faut. Je voudrais bien vous voir mon Toto, j’ai besoin de vous baiser et vous savez qu’il n’y a encore que vous sur qui je puisse passer ma rage de caresses et d’amour. L’AUTRE se laisserait plutôt LÉCHER que baiser et je ne veux pas. Jour un petit o. Jour un gros To. Papa est bien i. Quel bonheur si je pouvais avoir NOTRE CULOTTE aujourd’hui. En voilà une de surprise avec l’autre et qui me ferait pousser des rugissements de JOIE. Malheureusement ce n’est pas probable et je me résigne d’avance le mieux que je peux à n’avoir qu’un simple cotillon au lieu du mâle vêtement tant désiré. Baisez-moi, et aimez-moi, pensez à moi et venez tout de suite. Je vous aime. Je vous aime, je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 141-142
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « attrappé ».
b) « accros ».
c) « vinses ».
d) « intact ».
e) « qui ».


22 juillet [1839], lundi soir, 6 h.

Mon cher petit homme je vous aime. Dites donc vous ne savez pas ? Eh bien j’ai invité les petites Besancenot à dîner, parce que leur mère se fait saigner, et qu’il n’y avait pas apparence qu’elle pûta s’occuper du dîner de ces deux petites affamées. Aussi j’ai proposé de les nourrir, ce qui a été accepté par les petites filles avec des cris de joie et par la mère avec enthousiasme, ce qui nous vaudra des raccommodagesa dans l’avenir. Ce sont des vieux tessons que je sème, et qui donneront dans un temps, peu lointain des soucoupes, des tasses et des vases magnifiques. Je suis très vexée, les deux petites goistapiouses sont à six centsc lieues de se douter que le beau monsieur, qui est là, c’est vous [2]. Ça me vexe horriblement. Au reste moi je trouve qu’il vous ressemble, ainsi ça me suffit. Je ne vous dis pas ça pour vous faire sortir, mais j’ai un horrible mal de tête. Dites donc mon petit homme si vous pouvez, sans vous déranger, me faire marcher ce soir, je vous donnerai ma pratique. Baisez-moi. Le marchand de piano n’est pas venu mais en revanche j’ai eu mon blanchisseur qui m’a mis à CHESSE d’argent. PHAME ! Je suis sans un sou et je dois 5 francs à la bonne. Juju est bien ille ou ie ou ye [3]. C’est le moment de lui faire son portrait. Voime, voime. Avec sa bourse à la main. Je t’aime. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 143-144
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « racommodages ».
b) « cent ».

Notes

[1Juliette nomme « l’autre » le portrait de Hugo par Boulanger qu’elle vient de recevoir.

[2Hugo a offert à Juliette son portrait par Boulanger.

[3Féminisation de « i », terme hypocoristique par lequel Juliette désigne la gentillesse de Hugo.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne