Guernesey, 18 avril [18]68, samedi, 6 h. ¾ du matin
J’espère, mon pauvre bien-aimé, que tu as mieux dormi cette nuit que les précédentes. Je voudrais être sûre que tu ne souffres pas. La pensée que tu es triste et malheureux m’est insupportable et je donnerais tout au monde pour t’épargner une souffrance ou un chagrin. J’espère que tu recevras des nouvelles tranquillisantes de ta pauvre chère femme aujourd’hui. Ce serait le cas de venir avec son fils et sa belle-fille chercher auprès de toi l’adoucissement à leur douleur. Toi seul a le secret des grandes consolations et des grandes espérances et je sens qu’à leur place ce serait mon suprême refuge. Il est vrai que la santé de ta femme et l’état de ses yeux ne lui permettent peut-être pas en ce moment [1]. C’est ce que tu sauras aujourd’hui. En attendant, je te prie de me rendre au plus tôt ma douce et chère collation car je sens quelle me manque presque autant que toi. Cher adoré, aime-moi, ne souffre pas, bénis-moi comme je t’aime et comme je te bénis.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 109
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette